L’ouverture des frontières entre le Sénégal et la Mauritanie n’est effective que sur papier. Près de 4 000 Sénégalais restent toujours bloqués en Mauritanie à cause du coronavirus. Leur appel aux autorités jusque-là inaudible, ces Sénégalais coincés dans ce pays voisin se sont fait entendre ce mardi 7 juillet, en organisant une manifestation. Un sit-in pacifique tenu devant leur ambassade pour exiger leur rapatriement, que la police mauritanienne a dispersé à coups de matraques.
«Au lieu de recevoir les Sénégalais qui vivent dans les difficultés extrêmes, notre ambassade a choisi de faire intervenir la Police pour disperser un sit-in pacifique. Nous étions assis à même le sol en respectant les mesures barrière dans ce contexte de Covid-19», a dit à Alakhbar, le porte-parole des manifestants Ibrahima MBOW. Selon ce dernier, depuis « quatre mois ils sont bloqués en Mauritanie» en raison de la fermeture des frontières entre les deux pays.
«Certains ont perdu leur travail durant la pandémie et n’ont plus rien même pour s’acquitter de leur loyer. D’autres qui étaient juste de transit sont également bloqués ici», ajoute Ibrahima MBOW.
Les frontières fermées, les citoyens des deux pays devraient être bloqués de part et d’autre. Pourtant, il n’en est rien. Lundi dernier, le gouvernement mauritanien a annoncé que « 1.686 citoyens mauritaniens bloqués au Sénégal par la fermeture de la frontière dans le cadre des mesures visant à contenir la propagation de la pandémie du coronavirus (Covid-19) ont été rapatriés au pays, à la faveur d’une opération organisée depuis le 22 juin dernier, par le point frontalier de Rosso (200 kilomètres au sud de Nouakchott) ».
Selon l’Agence mauritanienne d’information (AMI), «déjà, la veille du mois de ramadan, le président Mohamed Cheikh El Ghazouani avait donné des instructions pour apporter une assistance d’urgence à nos compatriotes bloqués dans ce pays frère. Ainsi, pour alléger les conditions du confinement, l’ambassade de Mauritanie au Sénégal a apporté des appuis financiers et alimentaires à ces citoyens bloqués, en ciblant en priorité les franges les plus vulnérables». L’AMI de poursuivre : « Pour organiser cette opération les autorités gouvernementales ont mis en place un dispositif multiforme facilitant le passage, le dépistage, l’hébergement, la sécurité et le transport des personnes rapatriées vers leur destination respective».
Seulement, il n’est guère question de politique de deux poids deux mesures. Car, pendant que les Sénégalais manifestaient devant leur ambassade réclamant leur rapatriement, la Mauritanie lançait l’opération d’exportation de 450.000 moutons de sacrifice de son territoire vers le Sénégal. Selon Hacen ould Taleb, président du Groupement national des associations de coopératives agro-sylvo-pastorales (GNAP), repris par le360afrique, « le gouvernement du Sénégal a pris des mesures pour un assouplissement des contrôles des camions transportant les moutons, avec une réduction au strict minimum nécessaire, et une exonération des droits et taxes. Ces mesures s’appliquent au niveau des frontières, des axes de convoyage, des zones d’attente et des points de vente, pour une durée de 45 jours avant la Tabaski et 45 jours après ». La Tabaski, c’est sans doute le tournant qu’attendaient les Mauritaniens pour faire plier le gouvernement sénégalais incapable de se passer des moutons de leurs voisins du nord.
Ainsi, le tapis rouge est déroulé aux vendeurs de mouton mauritaniens, pendant que les Sénégalais restent bloqués au pays d’El Ghazouani. Pourtant, WALFNet faisait cas d’un entretien téléphonique entre ce dernier et le président Macky SALL. Une discussion tournant autour de la Tabaski et du Coronavirus dont la teneur a été révélée par l’Agence mauritanienne d’information (AMI). « Parmi ces sujets d’intérêt commun, figure également l’ouverture, le 22 juin dernier, de la frontière entre les 2 pays. Fermée depuis fin mars pour lutter contre la pandémie, sa réouverture doit permettre aux citoyens bloqués de part et d’autre du fleuve de regagner leurs domiciles et lieux de travail. Dans la foulée, les gouvernements ont également décidé d’ouvrir 3 points de passage frontaliers (Rosso, Boghé et Matam/Toufde-Civet) pour permettre l’exportation de plusieurs centaines de moutons de sacrifice de la Mauritanie vers le Sénégal, en perspective de la grande fête musulmane de Tabaski, prévue fin juillet ».
Reste maintenant à savoir pourquoi les mauritaniens bloqués au Sénégal ont pu renter chez eux et que pendant ce temps il n’y a que des moutons qui font le chemin inverse en dépit des manifestations?
WALFNet