Dimanche 5 juillet, les restes de vingt-quatre résistants à l’occupation française, tout juste restitués, ont été inhumés dans une vive émotion en Algérie, comme en témoigne la presse, pour qui il ne s’agit cependant que d’une étape.
L’Algérie attendait cela depuis cent soixante-dix ans. “Un ultime adieu aux braves” a eu lieu dimanche 5 juillet, à Alger, comme le titre le quotidien d’État L’Expression. Alors que le pays célébrait le 58e anniversaire de son indépendance, les crânes de vingt-quatre résistants contre le colonialisme français ont été inhumés au carré des martyrs du cimetière El Alia, en présence du président Abdelmadjid Tebboune. Voilà enfin venu le “repos éternel des justes”,se félicite quant à lui Liberté.
Le rapatriement de ces restes depuis la France, deux jours plus tôt, avait suscité une intense “émotion”, écrit pour sa part El Watan, et donné lieu à “un hommage populaire”. Durant le week-end, “une longue file d’attente” avec “des jeunes, des vieux, des vieilles” s’était formée pour rendre hommage à ces héros de la nation. Autant de citoyens qui sortaient “bouleversés de cet aparté fulgurant avec l’histoire”, écrit le quotidien algérien.
Héros de la résistance populaire
“Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif Boubaghla, Cheikh Bouziane, Moussa Ederkaoui, Mokhtar Ben Kouider Al Titraoui […]” : autant de noms mythiques de “pionniers de la résistance anticoloniale”, poursuit El Watan. Si l’émoi est si vif, c’est qu’ils sont “l’esprit et le symbole d’une résistance populaire face à l’agression coloniale”, explique Liberté dans un autre article, estimant que ces résistants “incarnent surtout la permanence d’un peuple épris de liberté.”
C’est le sens que doit justement prendre le rapatriement des crânes des résistants algériens. Le sens même d’une histoire qui n’est jamais finie.”
Ces vingt-quatre crânes étaient jusqu’alors entreposés au musée de l’Homme à Paris – plus de cinq cents autres crânes issus de l’occupation coloniale en Algérie y demeureraient, rappelle El Watan à l’appui d’un recensement réalisé en 2018. Un sujet très sensible entre les deux pays.
Apaiser la relation entre Paris et Alger ?
“À n’en point douter, le geste d’Emmanuel Macron, de par sa forte charge symbolique, va renforcer davantage les liens d’amitié entre les deux peuples et servira de catalyseur à la coopération algéro-française, dans l’intérêt des deux pays”, estime dans un troisième article Liberté. Si, dans une interview à France24, Abdelmadjid Tebboune a demandé “des excuses à la France” pour son passé colonial, le journal algérien rappelle les précédents gestes du président français, qui en 2017 à Alger avait qualifié la colonisation de “crime contre l’humanité”.
Ces restitutions suffiront-elles à apaiser la relation tumultueuse entre les deux pays ? Dans un éditorial, le média se fait soudain moins optimiste et regrette que l’on ait fait du 5 juillet, jour de l’indépendance, une fête “folklorisée par des pratiques qui sont loin de répondre au désir mémoriel qui hante les Algériens abreuvés ‘d’histoires’, sevrés de la véritable histoire.”
Pour l’heure, on a surtout vu des “petits gestes élaborés plus pour faire impression qu’une volonté de définitivement solder un passif”. Le journal rappelle les propos de l’ancien ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner – “La génération de l’indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple” – et la réplique qui avait fusé, côté algérien : “Lorsque les nostalgiques de l’Algérie française ne seront plus de ce monde.”
Pour Liberté, il faudrait “une réelle volonté et du courage de part et d’autre” pour “enfin tourner cette page tourmentée de notre histoire sans attendre la fin de la génération des nostalgiques”.
CourrierInternational