À l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo, le roi Philippe a présenté ses regrets pour “les épisodes douloureux” de la colonisation du pays. Mais pour cet éditorialiste burkinabé, cette contrition n’est rien d’autre que la “tactique d’un roi en difficulté”.
La République démocratique du Congo (RDC) a célébré, le 30 juin, le 60e anniversaire de son accession à l’indépendance. Une commémoration qui aura connu un fait inédit. En effet, le roi belge, Philippe, a saisi cette occasion pour présenter au peuple congolais, ses “plus profonds regrets pour [les] blessures” infligées pendant la période coloniale belge au Congo. Et il ne s’est pas arrêté là. Il s’engage à combattre “toutes les formes de racisme”.
En tant que descendant direct du roi Léopold II, le jeu en vaut bien la chandelle. Car, ce n’est un secret pour personne que l’arrière-arrière-grand-père du roi Philippe qui avait fait du Congo sa propriété privée et exploitait à sa guise ses immenses richesses, aura été l’un des plus sanguinaires colons qui auront régenté la RDC. C’est dire si c’est un acte de repentance qui vaut son pesant de consolation. Et pour peu qu’il soit sincère, il faut le saluer à sa juste valeur.
Ce d’autant que d’autres colonisateurs ont aussi fait subir les pires formes de violences à de nombreux Africains sans que leurs descendants daignent outre mesure, émettre les moindres regrets. En tout cas, les regrets du roi Philippe pourraient contribuer à soulager un tant soit peu, les cœurs meurtris des petits-fils de Bantous dont certains auront été mutilés au cours des travaux forcés.
Un geste tactique
Cela dit, il faut aller au-delà des simples excuses. Car les crimes commis par le roi Léopold II en RDC ne sauraient être absous par de simples regrets. Si le roi Philippe veut que son acte soit complet, il se doit de faire plus, notamment en tenant sa promesse de monter à l’assaut du racisme et de la xénophobie de son pays.
Et en ce qui concerne la RD Congo, il doit travailler à mettre fin à toutes les formes de domination de l’ancienne puissance coloniale, sur la RDC. Autrement, on dira que le roi belge cherche seulement à contenir l’ampleur des mouvements de colère qui secouent l’Occident suite à la mort du Noir américain George Floyd aux États-Unis d’Amérique. N’est-ce pas ceci qui explique cela ? En tout cas, il est difficile de ne pas établir un lien de cause à effet entre ces excuses et les manifestations antiracistes à travers le monde.
On est d’autant plus fondé à le penser que cette vague d’indignations a entraîné le déboulonnage des statues de Léopold II. Autant dire que l’acte de Philippe pourrait avoir été guidé par le souci de sauvegarder l’image d’un roi, plutôt que celui de reconnaître un péché commis contre un peuple. L’acte a, sans doute, été calculé ; en témoigne le timing choisi.
Desserrer l’étau
Pourquoi le roi Philippe ne l’avait-il pas fait alors qu’il règne depuis 2013 ? Quelle mesure avait-il prise pour lutter contre le racisme ? En vérité, ce n’est ni plus ni moins qu’une stratégie d’un homme en difficulté pour desserrer l’étau autour de la famille royale et donner un coup d’accélérateur aux relations entre son pays et la RDC qui, il y a moins de trois ans, n’étaient pas au beau fixe.
Mais à qui la faute si la Belgique continue de traiter la RDC avec condescendance ? Évidemment, en partie aux dirigeants qui se sont succédé à la tête de ce pays africain. Car connue pour être un scandale géologique à cause des immenses richesses dont regorge son sous-sol, la RDC offre l’image d’un État failli dans bien de domaines de la gouvernance. Le respect se mérite.
Le Pays