CONTRIBUTION
Les défenseurs de la cause agricole, comme le charismatique M amadou Cissokho, sont formels : la réduction de la pauvreté en Afrique passe par l’agriculture paysanne. Mais au Sénégal, ce message est tombé dans l’oreille d’un sourd. Depuis les programmes d’ajustements structurels des années 90, on assiste à une véritable dépossession des terres agricoles au profit des multinationales, des riches industriels locaux, des spéculateurs et de vulgaires hommes politiques reconvertis en hommes d’affaires. L’Etat est l’initiateur et l’acteur principal de ce bradage et d’accaparement foncier. Le contentieux opposant les pauvres paysans de Ndengler et du grand industriel sénégalais Babacar Ngom, le propriétaire de SEDIMA, en est une parfaite illustration.
L’agriculture paysanne et l’agrobusiness sont deux modèles antagonistes et ne peuvent cohabiter pacifiquement. Le premier s’inscrit dans une logique de développement pour le paysan, et le second dans la logique du marché, renforçant le capitalisme. Le chef du village de Ndengler l’a bien expliqué : “Babacar Ngom veut nourrir des poussins, et nous voulons nourrir des êtres humains”.
Au Sénégal, l’appel au retour à l’agriculture prôné par l’Etat est une véritable arnaque, une tromperie qui contribue à la paupérisation accrue du monde rural. Et à l’enrichissement illicite d’une minorité.
Dans un post sur Facebook, qu’elle a dépublié après, la fille de Babacar Ngom, Anta, directrice de SEDIMA, a vanté les mérites et les qualités de son père. Un père “honnête”, “digne”, qui “déploie toute son énergie et son engagement pour apporter sa contribution au développement du Sénégal”. Et cerise sur le gâteau, un père “qui a tout donné à son pays, ne mérite pas autant d’injustice”. De quelle injustice parle-t-elle ? D’un père privilégié de la République et qui profite bien des largesses de l’Etat? D’un père qui s’octroie 300 hectares de terres au détriment de valeureux et dignes paysans dont leur survie dépend de leurs exploitations ? D’un père qui prive de l’héritage à de nombreuses familles?
Dans cette affaire, Babacar ngom, comme le laisse croire sa fille, n’est pas une victime, mais un coupable. Un coupable protégé par l’Etat du Sénégal au détriment de la masse paysanne de Ndengler.
Adama DIOUF