CHRONIQUE DE WATHIE
«Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur »
Les Sénégalais voudraient que ce pays qui appartient encore aux Français n’abrite pas la statue de l’homme qui a permis et consolidé sa conquête. Parce qu’aux USA et ailleurs, des statues sont déboulonnées, ils se souviennent que Faidherbe est toujours debout. Que les rues et boulevards qu’ils arpentent quotidiennement ont pour noms : André Peytavin, Jules Ferry, Albert Sarault, Georges Pompidou, Carnot, Charles Mangin, Armand Angrand, Félix Faure, Alfred Goux, Belfort, Dardanelles, Reims, Grasland, Fleurus, Raffanel, Escarfait, Delmas, Bugnicourt, etc. Que même William Ponty, qui avait jadis ordonné l’expulsion des Sénégalais du Plateau vers la Médina, a toute une avenue en son nom. Le mimétisme acquis comme réflexe d’existence nous pousse à vouloir nous débarrasser de nos chaines tout en refusant de quitter le cachot. Faidherbe doit certes tomber mais c’est dans les manuels scolaires et autres livres d’histoire qu’il devrait d’abord commencer par toucher le fond. Mais, pendant que les bibliothèques brûlent, calcinées par Corona qui s’en prend aux anciens, nous voilà engagés dans une bataille de posture qui voudrait qu’au 21e siècle, on scande « Black lives Matter ».
Quand le professeur Iba Der THIAM a, dernièrement, déclaré que Faidherbe avait tué 20 000 Sénégalais en l’espace de 8 mois, cela a, telle une traînée de poudre, fait le tour d’internet. « Urgent », « Révélations », se sont même exclamés certains sites d’informations. On en est à ce niveau d’informations au Sénégal lorsqu’il s’agit de l’histoire. Dans une précédente chronique nous écrivions : Le 20 août 1960, les autorités sénégalaises prenaient une décision qui marquera à jamais l’histoire de la République dont elles venaient d’annoncer la naissance. La décision était aussi décisive que risquée. Mamadou DIA et Léopold Sedar SENGHOR, qui travaillaient main dans la main, en étaient conscients. Dakar, capitale de la Fédération du Mali, fut placée sous couvre-feu, l’état d’urgence décrété. A la place d’une grande manifestation commémorant un événement historique, les Dakarois eurent droit à un dispositif de sécurité aussi inhabituel qu’impressionnant. L’armée, constituée de fantassins que les colons avaient bien voulu former et mettre à la disposition des gouvernants comme garde républicaine, était massivement déployée. D’énormes changements étaient intervenus durant la nuit, il fallait consolider les acquis. Le palais devenait présidentiel ; l’Assemblée législative devenait l’Assemblée nationale ; la radio Mali devenait radio Sénégal avec deux entités. Les bâtiments administratifs étaient fortement sécurisés par des soldats sur le qui-vive fortement armés. Qu’est-ce qui se passait ? Ce 20 août 1960-là, vers 2 heures du matin, le Sénégal avait proclamé son indépendance. A la lecture de ce paragraphe, certains seraient tentés de dire : mais qu’est-ce qu’il raconte. D’autres demanderont : Et le 4 avril alors ? Pourtant, les questions qui devraient être posées sont : pourquoi cette date ne suscite aujourd’hui aucun souvenir ? Pourquoi des événements aussi importants sont passés par pertes et profits, totalement oubliés ? Mais, comme à chaque que c’est historiquement important, seule une poignée de personnes comprend. « L’histoire est le récit des vainqueurs », dit-on. Ni le Mali ni le Sénégal n’ayant gagné, d’autres se sont chargés de rédiger leur histoire que les programmes scolaires véhiculent.
Quand l’on est président de la République, il est facile de se faire affectionnait les écrits. Mais, la négritude, c’est l’ignominieuse imposture qui a consolidé l’assimilation et conforté l’idée de l’infériorité de l’homme noir. Qui se récuse s’accuse, et personne ne se sent morveux. Wolé Soyinka avait raison de dire que le « tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore». Seulement, en ambitionnant la libération politique et culturelle de l’homme noir, le mouvement de la négritude, qui ne s’est, en réalité, préoccupé que de la première, s’est enfoncé dans la victimisation. « Vous nous avez réduits en esclaves, vous nous avez colonisés, pourtant nous vous sommes toujours fidèles», poétisait-on tout en rappelant combien l’homme noir était « beau et sensible ».
En scandant « Black lives Matter », suite au meurtre de Georges Floyd, les tenants de ce mouvement s’inscrivent dans la lignée des Léopold Sédar SENGHOR, Aimé Césaire et autre Léon-Gontran Damas. « Ma vie doit compter », c’est celui qui se sent inférieur, vulnérable qui le fait observer. C’est une hérésie que cela émane d’une race. Surtout, en ce 21e siècle où la maltraitance des animaux scandalise des organisations qui réclament même la fermeture d’abattoirs.
« On mène contre nous le combat le plus violent, plus violent même que celui qui a conduit à la disparition de certaines espèces», s’exclamait Cheikh Anta DIOP lors de sa célèbre conférence de Niamey en 1984. Les balles deviennent certes de moins en moins conventionnelles, mais ce que font les virus est encore pire. Quand les Africains ont commencé à se méfier de ces vaccins que leur gouvernement refuse de payer, le VIH SIDA est apparu pour freiner le taux de natalité dans le continent.
Si Cheikh Anta DIOP a mis autant de temps à démontrer que les Egyptiens étaient des Noirs, ce n’est pas pour entrer dans l’histoire. Mais, plutôt, pour prouver à ses semblables que leurs ancêtres sont à la base de la première civilisation humaine qui a inspiré toutes les autres. En être imprégné, est le premier combat qui n’est pas de posture mais de déconstruction intellectuelle qui départit des réflexes de subordination. Après l’avoir remporté, les statues s’écrouleront d’elles-mêmes.
Mame Birame WATHIE