Depuis l’annonce de l’auto-confinement, ou auto-quarantaine du Président Macky Sall suite à la contamination d’un de ses proches collaborateurs, les commentaires et supputations vont bon train. Certains parlent d’une éventuelle suppléance, d’autres vont plus loin et évoquent l’intérim. L’éclairage de Amadou Ba, un juriste, doctorant en droit public explique ici pourquoi tous ces cas de figures ne sont pas à l’ordre du jour.
Le Président Macky Sall qui s’est auto confiné pour au moins quatorze jours, pourra-t-il continuer à diriger efficacement le pays ? C’est la question soulevée par beaucoup de Sénégalais qui évoquent l’intérim ou la suppléance. Mais à la lecture de l’article 39 de la Constitution qui définit les conditions de ces situations, on se rend compte qu’on est bien loin de ces cas de figures. «L’auto quarantaine de Macky Sall n’induit aucunement l’urgence de sa suppléance. En effet, il n’est pas malade et même le serait-il, que son remplacement ne serait pas automatique», renseigne Amadou Ba, un juriste, doctorant en droit public à l’université de Reims Champagne-Ardenne. En effet, poursuit le juriste, «l’art 39 de la constitution dispose qu’en cas de décès, de démission ou d’empêchement, le Président (Macky Sall) est remplacé par le Président de l’Assemblée nationale (Moustapha Niass) ou l’un des vice-présidents dans l’ordre de préséance (Cissé Lô).» Seulement, poursuit Amadou Ba qui se trouve être un des cadre du Pastef en France, la maladie relève de l’empêchement du Président. Elle doit être handicapante dans la durée et irréversible au point d’altérer «gravement» les facultés mentales et physiques du Président». «En outre, cet ‘empêchement’ qui n’est pas automatique, doit impérativement être ‘constaté’ par le Conseil constitutionnel saisi par le suppléant de droit, c’est-à-dire le Président de l’Assemblée nationale», précise la même source qui rappelle que Roosevelt, le Président américain qui a été réélu pour 4 mandats consécutifs, avait été atteint de poliomyélite avant même son élection à la présidence. «Surnommé le Président assis, cette affection durable de ses jambes (aujourd’hui diagnostiqué comme le syndrome de Guilaine-Barré et non la poliomyélite) ne l’a pas empêché de gouverner avec brio et lancé son fameux New deal. Par contre, si le Président Macky est déclaré positif à la Covid-19 notamment dans sa forme grave nécessitant sa mise sous assistance respiratoire, comme l’a été Boris Johnson le Premier ministre anglais, nul doute que son empêchement serait vite constaté par le Conseil constitutionnel et sa suppléance assurée par Moustapha Niass qui ne pourra exercer, cependant, qu’une partie des pouvoirs de Macky mais pas la totalité (suppléance est différente de l’intérim). Le Président suppléant assure seulement l’expédition des affaires courantes et doit organiser une nouvelle élection présidentielle entre 60 et 90 jours (art 31)». Il est important de distinguer ici l’intérim et la suppléance. L’intérimaire exerce la totalité des compétences de l’autorité empêchée, alors que dans la suppléance, qui est seule prévue par la Constitution. Quant au Suppléant, il ne peut ni soumettre un référendum, ni dissoudre l’Assemblée, encore moins réviser la Constitution….
En l’état actuel des choses, le juriste souligne que Macky Sall est déclaré négatif à la Covid-19 et que son auto-quarantaine ne l’empêche nullement de jouir de toutes ses facultés physiques et mentales. Qu’il peut gouverner depuis son domicile et participer au Conseil des ministres en mode vidéoconférence. Qu’il peut signer les décrets et prendre ses ordonnances depuis sa maison. Et qu’en conséquence, rien ne justifie sa suppléance. Ou même son intérim.
Georges Nesta DIOP