Un juge a été mis en examen pour “tentative d’escroquerie et diffamation” et placé en détention dans le cadre d’une affaire de corruption impliquant le maire de Ouagadougou, a annoncé jeudi le procureur du Burkina Faso, Harouna Yoda.
Selon l’enquête, le juge Narcisse Sawadogo et une autre personne, Allasane Bagagnan, “sont entrés en contact” avec le maire de Ouagadougou, Armand Pierre Béouindé, pour lui proposer “d’intervenir auprès des magistrats (en charge de l’affaire de corruption) pour faire classer son dossier sans suite”, a expliqué le procureur lors d’une conférence de presse.
Le maire de Ouagadougou a été mis en cause en février par le journal d’investigation “Courrier confidentiel”, selon lequel son épouse et trois de ses enfants étaient actionnaires d’une société bénéficiaire d’un marché de la commune pour l’acquisition de 77 véhicules, estimés à 4,6 milliards de francs CFA (plus de 7 millions d’euros).
Le juge Narcisse Sawadogo et Bagagnan Allasane “reconnaissent les faits, de même que le contenu des enregistrements audio effectués par le maire” et sont “poursuivis pour tentative d’escroquerie et diffamation suivant la procédure de flagrant délit”, a déclaré le procureur Yoda.
Le parquet avait ouvert une enquête à la suite d’un article paru dans le journal L’Evènement du 10 juin, intitulé “Poursuite judiciaire contre le maire de Ouagadougou, des magistrats sollicitent 70 millions de francs CFA (environ 106.000 euros) pour classer le dossier”, a précisé le procureur.
Outre l’article du journal, dans des enregistrements audio effectués par le maire et largement partagés sur les réseaux sociaux, on entend des voix attribuées aux deux mis en cause réclamer une partie de la somme exigée.
La poursuite en diffamation contre eux fait suite aux “plaintes des juges d’instruction”, nommément cités dans les enregistrements audio comme étant impliqués dans cette “entreprise criminelle”, a-t-il expliqué.
Les deux inculpés risquent un à cinq de prison ferme, selon le code pénal.
Selon le procureur Yoda, les enquêtes sur l’affaire concernant le maire, élu en 2016, sont toujours en cours. Mardi, l’opposition avait demandé sa démission.
M. Béouindé assure avoir respecté la légalité et agi “dans la transparence la plus totale”, conformément à la procédure de passation des marchés publics.
Lors de son élection en 2015, le président burkinabé Roch Kaboré avait promis de lutter contre la corruption, les détournements de fonds publics et les malversations financières.
Le procureur Yoda a par ailleurs annoncé des poursuites, dans une autre affaire, contre le directeur général adjoint des Douanes, William Allasane Kaboré, son épouse et un proche, mis en examen et placés sous contrôle judiciaire pour “enrichissement illicite, blanchiment et délit d’apparence”.
M. Kaboré “a fait des transferts de fonds dont il n’arrive pas à justifier l’origine”, selon le procureur, qui a cité “l’achat et la mise en valeur de quinze parcelles à Ouagadougou dont le montant cumulé serait de 1,3 milliard FCFA” (près de 2 millions d’euros).
Le “délit d’apparence” est constitué par le fait de mener un train de vie au-delà des ressources que l’on peut justifier.
Fin mai, Jean-Claude Bouda, ancien ministre de la Jeunesse (2016-2017) et de la Défense (2017-2018) avait été “inculpé pour faux et usage de faux, blanchiment de capitaux et enrichissement illicite”, et placé sous mandat de dépôt.
Voaafrique