Tout se passe comme si, en haut lieu, on avait pris le parti de singer ailleurs. Etat d’urgence sanitaire, clusters, fermeture/ouverture des classes…Deux mois après le début de la pandémie au Sénégal, l’impression de tourner en rond persiste.
C’est le 24 mars dernier que l’état d’urgence est entré en vigueur. Une mesure prise en réponse à la propagation du coronavirus dont le premier cas déclaré et importé a été enregistré une vingtaine de jours plus tôt. Cet état d’urgence était assorti d’un couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin. Comme le veut la loi, l’état d’urgence a, 12 jours plus tard, été prorogé par l’Assemblée nationale. Cerise sur le gâteau, la représentation nationale donnera, en même temps, au président de la République, les pleins pouvoirs enveloppés dans le terme générique de «loi d’habilitation». Une sorte de licence à tout faire dans des domaines qui, en temps normal, sont hors du champ de compétence du président de la République. Dans la foulée, le chef de l’Etat signe un décret soustrayant des fourches caudines de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) certaines commandes passées par l’Etat et ayant rapport, notamment, avec la lutte contre la pandémie. C’est dans cet environnement d’exception que le gouvernement passe commande d’un marché à milliards destinés à venir en aide au secteur productif, fortement impacté. Il en est de même pour les couches dites vulnérables qui, en de pareilles circonstances marquées par des restrictions de toutes sortes, devaient bénéficier de la solidarité nationale.
Parallèlement, les rassemblements publics sont interdits, les manifestations religieuses annulées. Il s’agit donc de toute une batterie de mesures visant à mettre entre parenthèses l’essentiel des droits et libertés garantis par la Constitution, les lois et règlements. Clairement, cette mise en veilleuse visait à annihiler la vitesse de circulation du virus. Samedi dernier, le président de la République a pris le décret prorogeant l’état d’urgence et le couvre-feu jusqu’au 2 juin. Dans l’approche graduelle de la riposte, ces restrictions des libertés publiques sont classées au niveau 2. Elles s’intercalent entre les interdictions de rassemblements et le confinement. Au-delà du raisonnement empirique développé sur les plateaux expliquant le fait de ne pas aller vers le confinement par la prise en compte des réalités socio-économiques sénégalaises, aucune justification officielle n’est avancée. Aucune évaluation n’est faite dans le sens de jauger les mesures prises à l’aune des résultats obtenus. Rien n’indique une évaluation des mesures prises.
Le niveau opérationnel ne rayonne pas mieux que le décisionnel. Le ministère de la Santé et de l’Action sociale, centre névralgique de tout le système, ronronne. Chaque matin, à 10 heures, il est fait lecture de la situation des 24 heures : mêmes termes, mêmes lignes, mêmes paragraphes… A part quelques changements mineurs sur la localisation des cas communautaires, rien de nouveau sous le soleil. Ah si ! La répartition des cas guéris. Ce que le Pr Seydi a, lui-même, flétri. Le patient et ses proches étant tentés de croire que les hôpitaux qui enregistrent le plus de cas guéris sont les meilleurs dans le traitement et d’avoir tendance à tout faire pour s’y voir consultés. Ce qui, à terme, peut occasionner des embouteillages dans certaines structures et des frustrations chez ceux qui enregistrent les faibles taux.
Deux mois après le début de la pandémie, un diagnostic sans complaisance de la stratégie de riposte s’impose. Non pas pour lister les localités qui ont été servies en riz, huile et sucre. Mais, pour évaluer l’impact réel des mesures prises, des sacrifices consentis. Il s’agit donc de voir si les résultats obtenus ont été conformes aux intentions de départ.
Ibrahima ANNE