(Correspondance) – L’alerte est donnée ! Les pêcheurs et autres professionnels du secteur ne vont plus avaler des couleuvres sans piper mot. Face «au pillage en règle du poison aux larges des eaux sénégalaises du fait de la présence massive de bateaux de pêche étrangers dans nos eaux», des bruits de bottes se font entendre sur toute l’étendue de la Langue de Barbarie, plus précisément au quartier des pêcheurs de Guet-Ndar.
«Nous, les pêcheurs nous prendrons nos responsabilités, nous nous battrons jusqu’à la dernière énergie pour que ces bateaux ne pêchent pas dans nos eaux. Nous ne l’accepterons ni aujourd’hui, ni demain, quitte à aller combattre ces bateaux en mer, quitte à leur interdire l’entrée du port de Dakar. Mais nous ne laisserons pas ces bateaux chinois pêcher dans nos eaux». Très remontés contre les autorités en charge de la pêche et de l’attribution de licences de pêche aux bateaux étrangers, certains responsables de la pêche à Saint-Louis s’érigent, en boucliers, contre l’octroi annoncé de licences de pêche à «cinquante-six bateaux chinois qui sont déjà amarrés au port de Dakar, en plus d’une vingtaine de licences accordées, en catimini, en 2019».
Face à la presse, ces populations de Guet-Ndar laissent entendre que «déjà, en Décembre 2019, les accords de partenariat avec l’Union européenne, permettent, depuis 2014, à trente-huit bateaux européens, (français et espagnols), de piller nos eaux et de priver la pêche artisanale et les pêcheurs sénégalais de poisson». Aujourd’hui, expliquent ces représentants de pêcheurs de Guet-Ndar, «tout le monde a constaté les difficultés que les pêcheurs sénégalais ont pour trouver ce poisson. Ici, à Saint-Louis, malgré les licences de pêche accordées par la Mauritanie, les pêcheurs sont obligés de faire quatre à cinq jours de marée «pour revenir avec une cargaison de poissons. Les responsables des pirogues sont obligés, maintenant, à chaque fois qu’ils partent en mer, de charger aussi de la glace. Cela prouve que ces bateaux sont en train de faire des ravages indescriptibles de nos ressources», soulignent-ils.
Le Gaipes et les professionnels de la pêche artisanale ont, par le truchement, de missives administratives, informé sur la convocation de la commission consultative d’attribution des licences de pêche tout en renseignant que le ministère de la Pêche voudrait accorder cinquante six nouvelles licences à des bateaux chinois. A les en croire, «le Sénégal a une option claire, c’est de tuer la pêche pour le pétrole et le gaz. Et ce serait une erreur fatale, une erreur grave. Ni le pétrole, ni le gaz ne peuvent remplacer la pêche», estiment-ils. «Ce n’est pas parce qu’on prépare l’exploitation du gaz et du pétrole, ce n’est pas parce qu’on a donné à Cosmos et Bp l’exploitation à Saint-Louis et à Kayar, ce n’est pas parce qu’on a donné, à Total l’exploitation de Rufisque Offshore, ce n’est pas parce qu’on va exploiter Sangomar, la Casamance qu’il faut sortir les pêcheurs de la mer», tonnent-ils. Avant d’enchaîner en ces termes : «Si vous allez au port de Dakar, vous verrez les bateaux turcs qui ont pillé les eaux mauritaniennes. Un seul bateau, en une nuit, quand il rentre au port de Dakar va charger plus de vingt camions frigorifiques. Et toutes les nuits, chaque nuit, sans exception», font-ils noter. En désespoir de cause, ces responsables de pêcheurs et autres syndicalistes «appellent le peuple sénégalais à se solidariser avec nous parce que ce problème n’est pas, seulement, le problème des pêcheurs. Ce problème, c’est le problème de tous les Sénégalais. Les ressources halieutiques appartiennent au peuple. On ne doit laisser aucun ministre, sous aucune pression, bazarder nos ressources halieutiques. Parce que, demain, les conséquences seront graves et pour les pêcheurs, et pour les populations», avertissent-ils.
Dans la foulée, ces professionnels de l’activité liée à la pêche rappellent que «la pêche est la première source de devises pour le Sénégal, la pêche est le secteur qui crée le plus d’emplois, c’est la pêche qui assure plus de 80 % des protéines animales que consomment les Sénégalais, c’est la pêche qui permet au Sénégal de résister contre la malnutrition et la sous-alimentation. Si nous laissons nos autorités brader nos ressources halieutiques, nous courons vers un avenir incertain», prédisent ces populations guet-ndariennes.
Gabriel BARBIER