La décision prise par l’Etat portant obligation du port du masque dans certains lieux publics et privés ne fait pas que des malheureux. Les tailleurs qui se rongeaient les pouces depuis l’apparition du Covid-19 suite à l’interdiction des cérémonies comme les baptêmes, mariages, etc. profitent de la confection des masques locaux pour retrouver une seconde vie.
Dans son atelier niché à Yoff, à quelques encablures du marché, les deux pieds actionnant sur sa machine à coudre, le téléphone collé à l’oreille, Abdou Pène discute au bout du fil avec un client qui a fait commande de 500 masques locaux. Pourtant il y a de cela un mois, le tailleur peinait à voir un seul client. Ce, à cause de l’interdiction des cérémonies notamment les baptêmes, mariages, Magal, Gamou, etc. Avec l’arrêté signé par le ministre de l’Intérieur, le dimanche dernier, exigeant le port du masque dans les lieux publics et privés, Abdou Pène voit son activité relancée après avoir subi de plein fouet les effets de la pandémie. Dans la pièce de quelques mètres carrés qui lui sert d’atelier, des masques déjà confectionnés sont rangés sur des étagères en bois et prêts pour la livraison. Des coupes sont superposées sur une longue table. Assisté par son apprenti, le tailleur s’active dans la fabrication des masques locaux qu’il écoule dans le marché monnayant 400 F Cfa l’article pour ses clients détaillants. «C’est un petit business que j’avais commencé depuis quelques temps avec l’apparition de la maladie. Auparavant, je cédais le masque à 100 F Cfa l’unité à un client détaillant dans le marché. Mais, depuis hier (lundi, Ndlr), avec le port obligatoire de masques, la demande a explosé. Du coup on a revu le prix à la hausse. Maintenant, il faut débourser 500 F Cfa pour un masque. Mes clients qui revendent au marché, je leur fais une réduction de 100 F Cfa pour qu’ils puissent gagner quelque chose, eux aussi», explique Abdou Pène. Il soutient que ce sont des masques confectionnés avec un tissu de bonne qualité qui, non seulement protège contre le virus, mais permet également à la personne de bien respiré sans s’étouffer.
A la Patte d’Oie, à un coin de rue derrière la mairie de la ville, un ressortissant de Touba, Cheikh Ndiaye, tient son atelier de couture. Dans la pièce, un gros baffle distille des khassaïdes de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce talibé mouride confie avoir déjà confectionné 1 000 maques qu’il a remis aux marchands ambulants qui les revendent sur le marché. Il rappelle que, le week-end dernier, il a confectionné plus de 1 500 masques pour une autorité qui les distribue gratuitement à ses voisins. «On s’en sort bien. J’avais un stock de tissus en coton que je n’utilisais pas. Donc là, c’est une occasion. Je n’ai pas besoin d’aller à l’épicerie pour acheter du tissu. Celles que je confectionne comme ça ont déjà un propriétaire. C’est 10 masques pour un autre client qui les a commandés pour sa famille», partage le tailleur.
Pour lui, le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye devrait même aller plus loin dans cet arrêté en exigeant le port de masque à toutes les populations, quel que soit le lieu. Selon lui, du fait qu’on a interdit les Magal, baptêmes, mariages et prières de vendredi, les clients ne viennent plus pour se faire confectionner de nouvelles tenues. Leur activité en a pris un sacré coup. «Un ami qui est à Touba m’a appelé tout à l’heure pour commander 10 masques pour sa famille qui est, ici, à Dakar. Il m’a dit que sa femme est bloquée depuis, ce matin (hier, Ndlr) à la maison, car, elle ne peut pas aller au marché, parce que ne disposant pas de masque», confie-t-il.
Samba BARRY