Le président malgache, Andry Rajoelina en est convaincu : Madagascar tient un médicament efficace contre le Covid-19. Il s’agit du Covid-Organics élaboré par l’Institut malgache des recherches appliquées et qui contient de l’artemisia ou Artemisia annua. Une plante aux airs de fougère issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise cultivée sur la Grande Île pour lutter contre le paludisme, et ce, contre l’avis de l’OMS. Cette découverte semble avoir eu une incidence sur la décision du chef de l’État de déconfiner les trois principales villes du pays dès ce lundi 20 avril.
Un remède miracle ?
Après avoir annoncé il y a une dizaine de jours l’existence d’un remède contre le coronavirus à Madagascar, le président de la République Andry Rajolina a mis fin au suspense. « Aujourd’hui, j’annonce officiellement ici la réussite et les bons résultats des essais de notre remède, a-t-il affirmé, on peut dire qu’il a donné un résultat concluant sur les malades du Covid-19 à Madagascar et qu’il peut limiter et atténuer ses effets sur le corps humain. » C’est la première fois qu’un dirigeant évoque l’artemisia. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu que certains médicaments et remèdes traditionnels « peuvent atténuer les symptômes » du coronavirus, mais a rappelé qu’il « n’existe aucune preuve que ces substances peuvent prévenir ou guérir la maladie ». L’organisation a même voté dès 2007 une résolution « qui appelle à un retrait progressif des monothérapies à base d’artémisinine par voie orale des marchés ». L’artemisia est interdite dans plusieurs pays d’Europe.
Le recours à la pharmacopée traditionnelle
L’annonce des premiers cas de personnes contaminées par le Covid-19 a causé à Madagascar un vif regain d’intérêt pour toute une série de plantes médicinales ou de produits tels que le gingembre et le citron censés guérir ou, à tout le moins, protéger du virus. À Madagascar, l’Imra travaillait depuis plusieurs semaines sur un traitement contre le Covid-19. Les chercheurs se sont donc appuyés sur les résultats obtenus avec le Covid-Organics déjà utilisé pour lutter contre la malaria. Selon le président Rajoelina « les malades traités avec le Covid-Organics ont été guéris ». « Des malades en détresse respiratoire ont été tirés d’affaire et sont déjà sortis de l’hôpital » a-t-il ajouté. Selon le dernier bilan, 121 cas de contamination par le Covid-19, dont 39 aujourd’hui considéré comme guéris, ont été rapportés officiellement sur la Grande Île. Aucun n’a causé la mort d’un patient. L’occasion pour le chef de l’État de fustiger la mentalité de certaines personnes qui n’ont pas confiance en leurs dirigeants ni en leurs chercheurs. À en croire la presse nationale, le Covid-Organics pourrait propulser Madagascar sur le devant de la scène médicale internationale et même bousculer le monde de la finance. L’artemisia étant produite essentiellement à Madagascar, en Afrique et en Asie.
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L’enjeu est de taille pour le continent africain qui enregistre chaque année 92 % des 445 000 décès annuels dus à la maladie et 90 % des 219 millions de cas dans le monde. La phytothérapie peu onéreuse y serait un avantage par rapport aux médicaments souvent plus chers, rares ou faux. En cinq ans, plusieurs Maisons de l’artemisia, une association qui promeut l’utilisation de l’artemisia fondée par la Française Lucile Cornet-Vernet, se sont créées dans près de 23 pays du continent : Sénégal, Côte d’Ivoire, Congo et bien d’autres. Pour cette association, il suffit de prendre la plante en tisane pendant sept jours pour qu’elle soigne et prévienne le paludisme.
Les mises en garde contre l’artemisia
Sur le plan historique, les vertus de l’artemisia ont été révélées aux Occidentaux lors de la guerre du Vietnam. En effet, les Américains qui combattaient dans les rizières étaient soignés avec de la chloroquine, un médicament synthétique. De leur côté, les Vietnamiens n’avaient rien mais mouraient en masse du palu. Pour la petite histoire, certains vétérans ont même déclaré que la malaria était plus redoutable que les G.I’s. Les Nord-Vietnamiens ont alors appelé les Chinois à la rescousse qui leur ont fourni l’Artemisia annua pour soigner les combattants vietnamiens. Cependant, la communauté scientifique se préoccupe des effets secondaires de l’artemisia et reste sceptique sur son efficacité. L’Académie nationale de médecine en France met en garde. Si la molécule d’artémisinine contenue dans une des variétés d’artemisia est effectivement utilisée dans la plupart des médicaments antipaludéens, « c’est son association avec d’autres molécules qui est nécessaire pour soigner efficacement la maladie en retardant l’apparition de résistances », rappelle la professeure Sandrine Houzé, parasitologue à l’hôpital Bichat à Paris. Toutes les espèces d’artemisia ne contiennent pas d’artémisinine, souligne-t-elle encore. Et, contrairement aux comprimés qui garantissent une posologie constante, la concentration en artémisinine contenue dans la plante varie en fonction de son mode de culture.
Le président malgache a déjà indiqué que son « remède » serait prescrit sous forme de sirop « à tous les élèves pour leur permettre de se protéger contre la pandémie ». « On va rétablir progressivement le cours normal de la vie de la population et ses moyens de subsistance », a indiqué le président Rajoelina dans un discours télévisé, « on va commencer par le faire une demi-journée, le matin de 6 heures à 13 heures ». Dès lundi matin, les transports en commun vont reprendre leur service dans la capitale Antananarivo et à Fianarantsoa (centre) et Toamasina (est) et les écoles rouvriront pour certaines classes mercredi, a-t-il précisé. Les habitants ne pourront toutefois « pas sortir de leur ville » et leur déconfinement passera par le port obligatoire sur la voie publique de masques qui commenceront à être distribués dès lundi. Ceux qui n’en portent pas seront sanctionnés d’un travail d’intérêt général, a menacé le chef de l’État.
Le Point