Dans un entretien accordé à Rfi, le professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Fann, revient sur les résultats «encourageants» de l’hydroxychloroquine qu’il utilise pour traiter ses malades, mais aussi sur les risques de l’automédication. Il revient aussi sur la problématique du confinement général de plus en plus agité.
L’efficacité ou l’inefficacité de la très controversée hydroxychloroquine sera connue dans une semaine. Le professeur Moussa Seydi et ses services affirment qu’ils ont utilisé l’hydroxychloroquine sur une cinquantaine de patients et à l’heure actuelle, il y a «peut-être» une personne qui est guérie. «Mais d’ici une semaine, on verra le nombre de patients qui vont s’en sortir. Parce que là, nous nous sommes basés sur les résultats de l’Institut Pasteur qui nous montrent une baisse assez rapide de la charge virale», dit-il.
Dans un entretien accordé à Rfi, le professeur Moussa Seydi affirme que ses services et lui ont démarré le traitement chez leurs patients et constaté que la charge virale baissait beaucoup plus rapidement. «Maintenant, c’est juste un traitement que nous donnons aux malades, après consentement. Nous sommes ici dans une situation pratique, et plus tard, nous allons faire un traitement dans le cadre d’un projet de recherche scientifique, en respectant toutes les normes scientifiques avec l’Institut Pasteur de Dakar», poursuit-il.
En France, l’utilisation de cette molécule par le docteur Raoult suscite un débat passionné. Certains doutent de son efficacité mettant en avant le manque d’études scientifiques pour la valider, alors que ce dernier affirme avoir guéri des patients grâce à elle. Mais le professeur Seydi déclare que son travail est scientifique et pratique, même s’il avoue qu’il n’y a pas une étude validée à 100 %. Toutefois, il déconseille aux Sénégalais l’automédication parce que très dangereuse. «En prévention, il n’est pas prouvé que cela marche», prévient-il. Avant d’ajouter aussitôt : «Je dis aux Sénégalais: non seulement, ne vous ruez pas sur l’hydroxychloroquine, c’est dangereux pour (vous)… La prescription doit être médicale. Par exemple, l’hydroxychloroquine ne doit pas être administrée chez un enfant de moins de 6 ans, chez une femme enceinte, une femme en état de grossesse, une femme qui allaite… Devant certaines pathologies oculaires ou cardiaques, on ne doit pas l’utiliser».
D’autre part, le professeur Seydi alerte sur la transmission communautaire qui est une «bombe». «La transmission communautaire peut nous mener vers n’importe quelle situation. On peut se lever un beau jour et avoir le nombre de cas multiplié par dix, quinze, cent ! Vous voyez, on vous disait dans les premières études comment on a contaminé deux à trois patients… Ensuite, d’autres ont dit sept, huit, neuf, patients… Mais nous, nous avons un patient qui a contaminé vingt-cinq autres personnes. Donc la transmission communautaire c’est extrêmement inquiétant pour nous», avertit-il.
Enfin, s’agissant du confinement général prôné par certains, il affirme qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas eu une recommandation unanime pour demander un confinement total, «compte tenu de notre mode de vie». «Les gens vivent au jour le jour, la plupart sont dans un état assez précaire… Donc le confinement total peut être un peu difficile. Il faut mûrir tous ces aspects avant d’aller vers un confinement total. Mais il est presque certain que, tôt ou tard, nous irons vers cela», dit-il.
Charles Gaïky DIENE