Le 17 mars, le chercheur, spécialiste des maladies infectieuses, a annoncé que la chloroquine pourrait permettre de guérir les patients atteints du Covid-19. Une information prise avec des pincettes par une large partie de la communauté scientifique.
Il est persuadé d’avoir trouvé le remède miracle contre le Covid-19. Âgé de 68 ans, le Professeur Didier Raoult, qui dirige l’institut hospitalo-universitaire des maladies infectieuses de Marseille, fascine autant qu’il inquiète. Portrait d’un homme controversé qui semble avoir déjà remporté des points auprès de l’opinion publique.
Il suit un parcours scolaire chaotique, au cours duquel il se fait toutefois remarquer pour sa confiance en lui, puis intègre la faculté de médecine de Marseille.
“Il était plus travailleur, plus puissant, plus fédérateur, vraisemblablement plus intelligent que tout le monde”, confie Renaud Muselier, qui est par la suite devenu médecin puis secrétaire d’Etat aux affaires étrangères de 2002 à 2005.
Après avoir présidé l’Université de médecine et des sciences de Marseille, Didier Raoult se lance dans la recherche et travaille sur les bactéries et les virus. “Je n’ai pas pour objectif de sauver le monde ni de trouver le médicament qui va guérir l’humanité, mes recherches sont guidées par la curiosité”, explique-t-il à l’Inserm, ajoutant qu’il n’a “pas de limites particulières”.
Un avant-gardiste provocateur
En 2010, il reçoit le prix Inserm pour l’ensemble de sa carrière puis obtient la subvention la plus élevée accordée en France pour la recherche médicale. Avec cette manne financière, il se lance dans un projet pharaonique: la création de l’institut Méditerranée infection, inauguré en 2016. Une véritable machine de guerre dans le domaine des maladies infectieuses.
Didier Raoult se voit comme un avant-gardiste, le poil à gratter du milieu scientifique. Son goût pour la provocation, qui s’illustre dans son look peu conventionnel dans le domaine de la médecine, l’a parfois conduit à prendre des positions à contre-courant comme dans ses chroniques pour le magazine Le Point où il remet en cause le réchauffement climatique.
Mais l’infectiologue se montre parfois visionnaire. En 2009, Didier Raoult tient en effet des propos qui s’avèrent aujourd’hui prémonitoires.
“Il y a des virus bien connus qui donnent des épidémies considérables comme la grippe ou la gastro-entérite que nous ne sommes pas capables de contrôler. Si un virus respiratoire mutant apparaît, avec la même contagiosité, compte tenu de notre incapacité à lutter contre la contagion, on fera face à un désastre considérable”, déclarait-il y a quelques années.
Un rebelle, “parfois victime de ses propres travers”
Quand l’épidémie de Covid-19 touche la Chine en janvier 2020, étonnamment, le Professeur Raoult ne semble pas en prendre la mesure. Deux jours avant la mise en quarantaine de Wuhan, il déclare sur sa chaîne YouTube qu’il ne se sent “pas tellement concerné par les personnes qui sont mortes du coronavirus en Chine”.
“Trois Chinois meurent et cela fait une alerte mondiale, l’OMS s’en mêle”, ironise-t-il.
Pour Marcel Ichou, autre grand spécialiste de la virologie, le Professeur Raoult est parfois victime de ses propres travers. “On peut être un très grand scientifique et avoir une mauvaise lecture des événements. On voit manifestement quelqu’un qui est brillant mais qui est un peu fantasque, un peu rebelle”, estime-t-il.
L’hydroxychloroquine, remède miracle?
Il y a un mois, le chercheur fait toutefois un nouveau coup d’éclat. Sur notre antenne, il assure avoir trouvé un remède au Covid-19: l’hydroxychloroquine, une molécule commercialisée sous le nom de Plaquénil et prescrite dans le traitement de maladies auto-immunes ou de polyarthrite rhumatoïde. Un traitement également étudié en Chine et aux Etats-Unis.
Didier Raoult mène alors, dans son institut marseillais, un essai thérapeutique sur 24 cas de Covid-19. Selon lui, en six jours seulement, les trois quarts de ces malades n’étaient plus porteurs du virus. Convaincu du bien-fondé de sa trouvaille, il dispense son traitement dans la région et en fait bénéficier d’illustres patients comme Christian Estrosi qui vante ensuite les mérites de la chloroquine dans les médias, dont BFMTV.
Une méthodologie fragile
Mais la solution du Professeur Raoult divise et suscite la colère de certains grands spécialistes.
“La méthodologie de l’essai est fragile, les résultats sont sur-exploités. On ne donne pas un espoir aux gens sur un essai mené de manière assez approximative”, estime Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses de l’hôpital Tenon, à Paris.
Depuis les annonces du chercheur marseillais, partout en France, les pharmacies sont prises d’assaut par des malades à la recherche du traitement miracle. “L’envie d’y croire vous fait aller vers une médecine de sorcellerie et une médecine émotionnelle”, déplore Marcel Ichou qui pointe le risque d’une “catastrophe sanitaire”. “Il ne faut jamais avoir une réaction impulsive et émotionnelle face au traitement”, implore ce médecin.
Car en effet, le Plaquénil n’est pas sans risque. Parmi les effets secondaires recensés, un danger pour le coeur qui contraint chaque patient à qui il est prescrit à se soumettre à une surveillance très stricte.
Le gouvernement demande des essais plus poussés
Pourtant, la stratégie de Didier Raoult fonctionne. Il parvient à attirer l’attention du gouvernement qui intègre la molécule dans plusieurs essais cliniques européens. Le ministre de la Santé Olivier Véran finit par autoriser son utilisation du bout des lèvres.
“Le Haut Conseil scientifique recommande de ne pas utiliser ce traitement à l’exception de formes graves hospitalières sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médicale stricte”, déclare le ministre le 23 mars.
Pour Didier Raoult, c’est une première victoire. Mais son plus beau succès, c’est peut-être le soutien populaire dont il bénéficie désormais auprès d’une partie de la population à l’image de cette banderole installée devant son institut par des supporters de l’Olympique de Marseille:
“Marseille et le monde avec le Professeur Raoult.”