CONTRIBUTION
Dans un climat de plus en plus tendu, le monde dans lequel nous évoluons semble prendre le radicalisme comme armure. La question de l’extrémisme en islam pose le problème du dogme qui est très sensible. Le psychanalyste Sigmund Freud disait que rivalité n’est pas nécessairement hostilité, que ce n’était que d’abuser de la première que d’en faire obstacle pour justifier la seconde. Effectivement, l’extrémisme est toujours une forme d’abus. L’abus est en même temps l’élément déclencheur et le résultat final de toute forme d’extrémisme. Pour une communauté qui se veut équilibrée (ummatan wassataa), cela est fort regrettable.
Lorsqu’on parle d’extrémisme, le profane pense aussitôt à l’extrémisme violent. Toutefois, cette forme d’extrémisme est souvent l’aboutissement de tout un processus. L’extrémiste est de façon basique un individu qui rejette, combat, tout ce qui est différent de ses appréhensions, de ses croyances, de sa position, de sa doctrine. Ainsi, la première cause de l’extrémisme est le fanatisme. Le fanatique est celui qui refuse de voir ou d’intégrer autre chose que ce qu’il croit être la vérité. Il n’envisage pas la possibilité qu’il puisse se tromper, même pas dans ses interprétations personnelles. La première conséquence de cette attitude est le refus de communication. On se dit qu’il n’y a plus rien à dire car tout est clair, tout a été déjà tracé est qu’une interprétation des règles reviendrait à une dénaturation. Cela peut se voir entre les religions mais également entre les groupes d’une même religion. Vu ainsi, on se rend compte qu’il y a plus d’extrémistes qu’on ne le croit. Seulement, ils sont comme des cellules dormantes qui n’attendent qu’à être activées. Pour ce genre d’extrémisme qui peut être qualifiée de « moue », la conséquence immédiate est le cloisonnement, le mépris de l’autre, la rupture de la communication, etc. C’est ce genre d’extrémisme qui, poussé, peut aboutir à l’extrémisme violent. Celui-ci n’est rien d’autre que l’aboutissement du processus. Cette violence peut être sous plusieurs formes (verbale, physique, psychologique). Les religions sont connues pour leur capacité d’endoctrinement. Alors, si l’imam ou le guide religieux tient un discours violent, cela serait un terreau fertile pour d’autres formes de violence comme le fait d’assassiner des innocents que l’on juge indignes de vivre parce qu’ils ne partagent pas les mêmes croyances.
A l’autre extrémité se trouve le fatalisme qui est une cause insoupçonnée de l’extrémisme. Le fataliste est celui qui dégage sa responsabilité sur tout ce qui se passe dans sa vie, dans son entourage ou dans le monde. Contrairement à la forme d’extrémisme présentée ci haut, celle-ci cause le laxisme, l’oisiveté, la pauvreté et le sous-développement. Le musulman doit être une personne équilibrée, ni fanatique ni fataliste, qui ne se responsabilise pas trop mais qui ne dégage pas ses responsabilités pour autant. Trop se responsabiliser revient à croire qu’on puisse forcer les gens à épouser sa foi alors que le Seigneur avait révélé au noble Prophète (psl) : « innaka laa tahdi man ahbabta walakinal laha yahdii man yacha u_tu ne peut contraindre quelqu’un à croire mais ton Seigneur lui le peut ». Dans un autre passage du Coran, le Seigneur renchérit « il n’incombe à un messager que de transmettre ». Le sujet peut-il être plus royaliste que le roi ?
Ne prendre aucune responsabilité est également une forme d’extrémisme car ceux qui ont atteint la lumière ont la responsabilité de montrer le chemin aux autres. Toutefois, cette mission de guidance n’est ni violent ni inquisitrice. C’est sans doute la raison pour laquelle, dès le début de son premier sermon, le Mahdi Seydina Limamou Lahi (psl) nous rappelle cette maxime islamique « innad diina nasihat_la religion c’est la générosité ».
En somme, l’idéal serait de trouver le barycentre entre ces deux formes d’extrémisme afin de garder un équilibre d’abord sur le plan individuel, ensuite essayer de l’instituer dans la société en ayant comme seuls outils ou armes : la solidarité, l’amour, la générosité.
D’un point de vue sociétal, l’extrémisme est causé par deux attitudes : l’arrogance des riches et l’inconscience des pauvres. Bien que la pauvreté puisse être une cause de l’extrémisme, ce qui est encore plus déterminent c’est l’attitude que le pauvre peut avoir. Si le pauvre se sent frustré, s’il impute sa pauvreté aux autres, cela ne peut mener qu’à l’extrémisme violent si les vraies bases d’une bonne éducation ne sont pas posées. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas la pauvreté en elle-même qui est une cause de l’extrémisme mais l’attitude que cet état socio-économique peut provoquer chez le pauvre s’il n’est pas conscientisé sur le fait que le Seigneur est au début et à la fin de tout. De même, l’arrogance des riches qui exposent leur richesse tout en sachant que les nécessiteux les envieront créent des sentiments de rancune qui à la longue, sont sources de radicalisme et de violence. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’islâm a instauré la zakat pour rétablir un certain équilibre dans la redistribution des richesses, une institution qui fut révolutionnée par le Mahdi Seydina Limamou Lahi (psl) notamment en la démocratisant. Il est évident que si les valeurs de base enseignées par Seydina Limamou Lahi comme la solidarité, l’amour de son prochain, la tolérance et la serviabilité ne sont pas très tôt inculquées à l’individu, celui-ci risque de devenir un riche arrogant ou un pauvre inconscient. Ces deux types d’individus sont à la base de l’extrémisme violent et de l’insécurité dans le monde. En cela, Seydina Limamou (psl) recommande l’humilité quel que soit son niveau de richesse par le port du blanc, de préférence le percal pour éviter toute discrimination basée sur la richesse. Il institue le nom patronymique lahi afin que nos appartenances raciales et claniques se taisent. Ainsi sommes-nous sept milliards de frères et sœurs dans le monde car nous venons tous d’Adam et lui fut créé à partir du limon, par Dieu. Il refuse de répondre à la violence par la violence en disant que même si quelqu’un rompt notre chapelet (symbole de notre foi), continuons notre chemin sans ne lui manifester aucune hostilité. Cela est en parfaite cohérence avec le Coran qui disait « wa ‘ibadur Rahmanu laziina yamchuuna ‘alal ardi qawnan, wa izaa qaatabahumul jaahiluuna qaaluu salaaman_les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent sur terre avec humilité et lorsqu’ils sont offensés par les ignorants ils répondent par la paix ».
Ibrahima Abou SAMB, auteur-écrivain