D’aucuns ont dû observer, médusés, le défilé des hommes politiques avant-hier au Palais. Une sarabande qui a heurté les codes et fait oublier l’essentiel.
Avant-hier, le Palais de la République a été le cadre d’un incessant défilé de politiques venus, officiellement, discuter avec le maitre des lieux de l’épidémie à coronavirus. Si l’initiative était louable au départ, il reste que, à l’arrivée, on est tombé en plein dans une théâtralisation orchestrée avec la complicité de la télévision nationale. Et pour l’avoir flairé, Abdoul Mbaye -qui ne s’est pas rendu au Palais- s’est fendu d’un tweet rageur. «Nous ne sommes pas favorables à du temps perdu en rencontres protocolaires quand l’heure est aussi grave», écrit l’ancien Premier ministre. Qui pense que Macky Sall doit «recevoir ceux qui, leaders dans les divers pans de notre société, n’ont pas encore pris la juste mesure de la pandémie plutôt que des femmes et hommes politiques déjà avertis. Il pourrait les rendre plus conscients des risques courus par notre nation».
Comme l’ancien Premier ministre, beaucoup de nos concitoyens ont dû sourire en voyant certaines séquences où le loufoque se le dispute au burlesque. Surtout que certaines audiences ont constitué de sérieuses entorses à la communication de crise et à la stratégie de prévention véhiculées via les médias et ayant comme seuls messages l’application des gestes barrières que sont l’interdiction des poignées de mains, le lavage des mains et la distance sociale.
Et au rythme où vont les choses, c’est parti pour une sacrée sarabande. Considérations sociales et de rang obligent, le protocole présidentiel va se plier en quatre pour satisfaire tout le monde. Religieux en perte de vitesse, politiques en mal d’audience, syndicalistes à la petite semaine, chacun aura son tour chez le coiffeur. Faisant, du coup, oublier l’essentiel : le combat commun contre un ennemi redoutable et impatient qu’est le coronavirus. En France, Macron a consulté son opposition parlementaire (Le Pen, Mélenchon, etc.), passé un coup de fil à ses prédécesseurs Sarkozy et Hollande, mis en place un conseil scientifique dont il donne corps politique aux avis techniques et déroulé sa riposte. Faut-il le rappeler, les consultations autour du Covid-19 ne sont pas les assises nationales. Elles ne sont pas, non plus, un doublon du Dialogue national.
Il est toujours pertinent de se demander la finalité et l’opportunité de ces audiences qui interviennent après la prise d’importantes décisions comme l’état d’urgence, le couvre-feu ainsi que la mise en place d’un fonds de relance de l’économie qui sortira claudicante de cette crise sanitaire dont nul ne peut présager du timing. En ce sens, la proposition de Sonko sur le volet économique du plan de guerre aurait eu toute son importance si elle avait été donnée avant l’adresse à la Nation. Mais, là, on est dans d’autres logiques et agendas.
Ibrahima ANNE