Accusant l’Europe d’être responsable de la propagation du virus, le président américain ferme les frontières aux personnes ayant séjourné dans l’espace Schengen pendant quatorze jours ou plus. Le Royaume-Uni, qui n’en fait pas partie, n’est pas concerné.
Fortement critiqué ces derniers jours pour avoir minimisé les risques et contredit les autorités sanitaires, ainsi que pour l’inertie de son administration dans la lutte contre l’épidémie de nouveau coronavirus, le président américain Donald Trump a annoncé mercredi soir une décision spectaculaire : la suspension pour trente jours de tous les voyages de l’Europe vers les Etats-Unis. Afin de «protéger la santé et le bien-être de tous les Américains» et d’«empêcher de nouveaux cas de pénétrer dans notre pays», a-t-il justifié lors d’une allocution solennelle depuis le Bureau ovale de la Maison Blanche. A ce jour, l’Europe compte plus de 20 000 cas de Covid-19 et 930 décès ; les Etats-Unis, 1 312 cas et 32 décès.
Le Président a rappelé la mise en place de quarantaines obligatoires et l’interdiction d’entrée sur le territoire aux voyageurs étrangers s’étant récemment rendus en Chine, épicentre de l’épidémie, décrétées par Washington début février. «En prenant ces mesures drastiques et rapides, nous avons vu bien moins de contaminations par le virus aux Etats-Unis qu’en Europe, s’est félicité Trump. Mais l’Union européenne n’a pas pris les mêmes précautions […] Par conséquent, un grand nombre de nouveaux foyers [de l’épidémie] aux Etats-Unis sont la cause de voyageurs venus d’Europe», a-t-il accusé, justifiant sa décision. En qualifiant au passage le nouveau coronavirus de «virus étranger».
A compter de ce vendredi à minuit, les voyageurs venant de 26 pays européens, dont l’Italie, la France, l’Espagne ou encore l’Allemagne (le Royaume-Uni, 459 cas, n’est pas concerné), ne pourront plus se rendre aux Etats-Unis pendant trente jours, durée que le Président pourra ajuster selon la situation. La restriction s’applique aux «ressortissants étrangers qui se sont rendus dans l’Espace Schengen, 26 pays dotés d’un accord de frontières ouvertes, dans les 14 derniers jours», précise un communiqué de la Maison Blanche. Les citoyens américains, leur famille immédiate, ou encore les résidents permanents légaux (titulaires d’une «green card») bénéficient d’une exemption, mais seront dirigés vers un nombre limité d’aéroports pour être examinés avant de pouvoir entrer sur le territoire.
Le département d’Etat a aussi recommandé aux ressortissants américains d’éviter les voyages non indispensables en Italie, un avertissement aux voyageurs susceptible d’être au moins partiellement étendu au reste de l’Europe. Le texte de la proclamation signée par Trump, comme les communiqués publiés par son administration dans la soirée, précisent que les marchandises et le fret ne sont pas concernés par l’interdiction, contrairement à ce qu’a annoncé le Président lors de son allocution.
«La plupart des pays d’Europe sont aussi sûrs que les Etats-Unis», s’est agacé sur Twitter Lawrence Gostin, professeur en santé publique de l’université Georgetown. Il estime que la décision de Trump «n’aura aucun impact sur l’épidémie de Covid-19 aux Etats-Unis. Nous devons mettre en priorité la santé publique, et non être distrait par la fermeture des frontières. Le Covid-19 est déjà là ; les germes ne s’arrêtent pas aux frontières.»
Quelques heures avant l’annonce de Trump, l’Organisation mondiale de la santé avait déclaré qu’elle considérait désormais le coronavirus comme une «pandémie». Et le directeur des Centres de détection et de prévention des maladies (CDC), Robert Redfield, avait estimé que le principal risque de propagation de l’épidémie pour les Etats-Unis venait d’Europe. «C’est de là qu’arrivent les cas, avait-il affirmé. Pour dire les choses clairement, l’Europe est la nouvelle Chine.»
Trump a également appelé le Congrès à adopter rapidement une réduction des taxes sur les salaires pour aider les ménages américains à surmonter l’impact économique de l’épidémie de coronavirus. Il a annoncé le report de la date butoir de paiement des impôts pour certains individus et entreprises, qui devrait permettre selon lui de réinjecter 200 milliards de dollars de liquidités supplémentaires dans l’économie, alors que Wall Street a connu une nouvelle journée noire, mercredi. «Ce n’est pas une crise économique, a-t-il voulu rassurer. C’est juste un moment temporaire, que nous allons surmonter ensemble.»
Les impacts sur la vie quotidienne des Américains commencent à se faire sentir, d’écoles et universités fermées à l’annulation de nombreux concerts, festivals ou événements sportifs. La National Basketball Association (NBA) a annoncé dans la soirée qu’elle suspendait tous les matches de la saison, après un cas de coronavirus constaté chez un joueur. Donald Trump a dû annuler un déplacement prévu en fin de semaine pour des événements de campagne dans le Colorado et le Nevada, «afin de faire preuve de la plus grande prudence face à l’épidémie», a précisé la porte-parole de l’exécutif. Un employé d’un élu du Congrès américain a été testé positif au virus, tout comme les acteurs américains Tom Hanks et son épouse Rita Wilson, actuellement en Australie, ont-ils annoncé sur les réseaux sociaux.
Libération