Durant ces 14 derniers mois (entre janvier 2019 et mars 2020), le compteur affiche 21 cas de meurtres de femmes au Sénégal. Au 1er trimestre de l’année en cours, le décompte macabre fait état de 5 cas.
Elle s’appelle Marième Diagne et n’a que 25 ans. Cette étudiante en génie civil est la cible d’un meurtre planifié par son ex-amant. Il ne digère pas que sa promise soit mariée à un autre, malgré tout ce qu’il fait pour elle. Humilié et blessé dans son amour propre par cette trahison qu’il n’a jamais soupçonnée, il décide de laver l’affront à son retour de France. A sa manière. A l’heure du petit déjeuner, il se rend chez la victime après avoir bien prémédité le plan d’exécution. Pour échapper à toute vigilance, il emprunte une porte dérobée et s’introduit par effraction dans la chambre de la jeune fille située à l’étage, seule avec elle. Couteau à la main, il poignarde la jeune fille dans des parties sensibles du corps qui ne lui laissent aucune chance de survie : la carotide (artère située dans le thorax et le cou), la veine jugulaire (qui collecte le sang au cou), la poitrine, le dessous du sein et même le bras. Marième cherche en vain à se défaire de son bourreau, mais rien n’y fait. Elle n’arrive pas arracher le couteau des mains de son agresseur. Ses cris de détresse alertent ses parents qui, arrivés sur les lieux du crime, constatent l’irréparable : Marième baigne dans une mare de sang. La machine judiciaire s’est, depuis lors, emballée contre Assane Guèye, le mis en cause à qui la présomption d’innocence empêche d’appeler coupable.
5 meurtres de femmes au 1er trimestre 2020
C’est le 5e cas de féminicide depuis début janvier 2020. A peine que l’on vient d’entamer la nouvelle année, au moins 5 cas de meurtres figurent au tableau. Et la comptabilité macabre continue. Tel un film noir qui se joue et/ou le fait divers révèle des drames familiaux qui virent au vinaigre, des divorces qui basculent dans l’irréparable, des crimes passionnels ou crapuleux. Tout cela est signé par des hommes frustrés qui pensent détenir un permis à tuer. Le meurtre de Ndioba Seck survenu avant cela à Pikine Guinaw-rails, début février 2020, ravive le souvenir. C’est aussi un drame passionnel qui a eu raison de la victime pourtant enceinte de 6 mois. Ce fut un horrible crime commis par un présumé coupable. Les aveux laissent tout le monde perplexe. Justifiant les 64 coups de couteaux plantés à la victime, il a déclaré aux enquêteurs vouloir s’assurer de la mort effective aussi bien de la maman que du bébé qu’elle portait. Comble de l’horreur !
L’histoire de la criminalité, au Sénégal, s’est aussi écrite avec l’assassinat de la dame Yoba Baldé du village de Saré Yéro Diao Soutou, région de Kolda. C’était le 28 janvier dernier, on s’en souvient. Le seul tort de cette bonne dame a été de demander le divorce. Ça lui a valu une décapitation imputée, à raison et à juste titre, par son époux. Sans violation de la présomption d’innocence consacrée par l’article 11 (alinéa 1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule : «Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente, jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées». S’y ajoute le meurtre de la sage-femme Rokhaya Guèye, bastonnée à mort par un kankourang à Sédhiou. Et il s’en est aussi suivi, en janvier, d’autres cas passés sous silence.
2019, année la plus meurtrière
L’année 2019 a été particulièrement meurtrière pour les individus de sexe féminin. En dix mois seulement, c’est-à-dire entre janvier et novembre de la dernière année, 14 cas de meurtres (entre janvier et novembre) impliquant des femmes sont recensés, au Sénégal, selon le Comité de lutte contre les violences faites aux femmes. Parmi les victimes figurent 3 mineures âgées de 11 à 16 ans et 2 femmes étaient en état de grossesse. Les Sénégalais ont encore souvenance des victimes comme Bineta Camara (Tambacounda), Aminata Kâ (Malika), le père de M. Diédhiou (Ziguinchor), Coumba Yade (Thiès), Khady Sèye (Touba), Yacine Sané (Diamaguene), entre autres.
Tueries en série d’enfants
Chez les enfants, on retient encore les cas de Maïmouna Barry (4 ans) et Ndiaye Guèye (2 ans). Le 26 septembre dernier, 2 enfants ont été égorgés dans leur domicile de Yoonu-Darou à Touba. Aux Parcelles-Assainies, le 23 avril 2019, un père y a tué son fils à coups de barre de fer. La liste est loin d’être exhaustive. Que dire du meurtre d’Amadou Seydi ? Porté disparu, il a été retrouvé, le 28 février 2019, mort, son corps mis dans un sac de riz et jeté dans les filaos bordant la mer de Malika. Le présumé meurtrier, Mouhamed Thiam, un boutiquier, a déclaré avoir agi par vengeance, car le père du petit lui aurait jeté un mauvais sort à l’origine de sa maladie. Sans compter les autres crimes de sang dont les victimes sont des enfants, des personnes âgées, des déficients mentaux et même des hommes. Et on croyait cette folie meurtrière qui guette le pays de la Teranga depuis quelque temps allait s’en limiter.
Au Sénégal, les premiers crimes de masse perpétrés sur des femmes ont commencé au début des années 2000. Qui ne se rappelle pas du viol suivi d’assassinat de la fillette P. Diagne à Keur Massar. Du meurtre de Penda Sène survenu à Rufisque en 2006. De la Malienne Alima Diarra tuée sous le regard de ses filles mineures à la gare ferroviaire de Dakar. De la Chinoise tuée puis brûlée vif par son ex-employé, pour des arriérés de salaire. Ou encore la virée nocturne d’Awa Bergane qui s’est transformée en agression sexuelle, à la plage des Parcelles-Assainies. Selon l’Onu, le féminicide est un «fléau mondial et persistant» qui a touché 87 000 femmes toutes tuées de manière intentionnelle, en 2017. Combien faudra-t-il encore de cas pour que le Sénégal retrouve enfin la stabilité et la sérénité d’antan, jadis enviées ?
Pape NDIAYE