Quelques jours après leur déguerpissement du rond-point Liberté 6, les marchands commencent à revenir. Ils n’en ont cure des grillages qui bordent la zone interdite.
Trois personnes, courbées, fouillent dans un tas de vêtements communément appelés «Feug Diaye» pour sortir l’habit idéal. De l’autre côté, des pantalons et des vêtements de classe pour femmes sont suspendus sur une corde bien tenue par deux poteaux parallèles. Au rond-point Liberté 6, les marchands sont revenus, quelques jours après leur déguerpissement par les services du ministère de l’Urbanisme et de l’Hygiène publique, de concert avec le préfet de Dakar et le maire de Grand-Yoff. Et les grillages pour clôturer les espaces libres ne les découragent point. Certains se servent même de ces grillages pour exposer leurs articles.
Habillé de la tunique traditionnelle «Baye Fall», Mor Fall est un vendeur de friperie. Il fait partie des revenants. Il explique que depuis qu’il a quitté les lieux, il manque de repères et depuis, il n’arrive plus à écouler sa marchandise. «Nous sommes déboussolés. Ce déguerpissement a pris tout le monde de court. C’est très difficile de se retrouver sans lieu de travail. Nous n’avons pas où aller. Depuis le déguerpissement, je suis devenu ambulant. Mais les choses ne tournent pas rond. C’est pourquoi, je suis revenu même si je sais que c’est précaire. Parce qu’ils peuvent revenir à tout moment nous chasser. Le rond point Liberté 6 est devenu un repère pour nos clients», souligne ce commerçant. Qui affirme que, lors du déguerpissement, lui et ses camarades n’ont eu aucune réaction négative. Pourtant dit-il, ils pouvaient réagir violemment parce qu’ils n’ont été notifiés que trois jours avant. Un autre commerçant embouche la même trompette. Talla Diop, lui est un vendeur de téléphones portables. Il indique qu’ils ne sont ni des voleurs encore moins des agresseurs, que l’Etat doit les laisser travailler comme il n’a pas suffisamment d’emplois à offrir à tout le monde. Son autre compère, Assane Fall, affirme qu’ils n’ont pas le choix. «Ce n’est pas de gaieté de cœur que de se faire chasser comme un étranger dans son propre pays. Mais on va faire avec. Le rond-point 6 est notre endroit idéal pour écouler nos marchandises. C’est un bon point parce qu’il est à cheval sur plusieurs quartiers. Vous avez vu mon sac ? Il est rempli de téléphones portables, d’occasions comme neufs. Je suis obligé de venir, même pour jouer à cache-cache avec les éléments de la mairie qui font parfois la ronde», indique Fall, impeccable dans une jolie chemise bleue assortie à un pantalon noir et des chaussures de même couleur.
Du côté des chauffeurs, on se réjouit de la mesure des autorités. Parce que le capharnaüm qui y régnait était invivable. «C’était difficile. Parce que les marchands ont rendu les routes étroites. Par conséquent, ils causaient des embouteillages monstres dans ce rond-point. C’est une décision salutaire de la part du gouvernement. La circulation est devenue maintenant assez fluide même s’ils commencent à revenir», a souligné ce chauffeur du nom de Gora Ndiaye.
Pour rappel, le 23 février dernier, après plusieurs sommations servies aux occupants des alentours du rond-point Liberté 6, les équipes du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, le préfet de Dakar et la mairie sont passés à l’acte. Ils ont rasé tout ce qui était encombrant dans cet endroit.
Mamadou GACKO