La cooptation par Macky Sall de quarante nouvelles personnes dans le comité de pilotage à l’insu de l’opposition a été la pierre d’achoppement du dialogue politique. Le pouvoir et l’opposition qui participent au dialogue national se sont livrés à des joutes verbales à propos de ces nominations. Ousmane Sèye parle de comédie.
L’ouverture des travaux du comité de pilotage du dialogue national a été un véritable dialogue de sourds entre les partis de l’opposition et la mouvance présidentielle. Les deux camps se sont livrés, hier, à une foire d’empoignades. Durant une heure, le comité de pilotage a été incapable de délibérer à cause de la foire d’empoignades entre les deux camps. Tout est parti de la décision du président de la République d’augmenter de quarante personnes, les membres du comité de pilotage du dialogue national sans au préalable en informer les partis de l’opposition et la société civile. Ce qui est une violation manifeste du consensus qui a toujours prévalu, d’après Moctar Sourang le coordonnateur du Front de résistance nationale (Frn). Mamadou Diop Decroix réclame une suspension de séance pour permettre à l’opposition de se concerter sur les quarante personnes ajoutées qu’ils viennent de découvrir. «Vous avez ajouté 40 personnes, soit près de la moitié des membres du comité de pilotage, des gens qu’on ne connaît pas. Nous ne savons pas non plus les critères de leur nomination, par conséquent, nous demandons une suspension de séance pour nous concerter. Car nous ne pouvons pas valablement délibérer dans ces conditions», renchérit Moctar Sourang.
Mais pour les mandataires de la mouvance présidentielle, il n’est pas question de suspendre la séance. «Je demande au président Famara Ibrahima Sagna de lire son discours d’ouverture puis on évacue la presse de la salle. Il faut adopter d’abord le règlement intérieur, on suspend la séance puis on évacue la presse», affirme le député Seydou Diouf. «Même si on évacue les journalistes, personne ne pourra empêcher aux gens de parler aux journalistes», rectifie le député Abdoulaye Mactar Diop, pourtant membre de Benno Bokk Yaakaar. «Nous avons toujours fonctionné sur la base de consensus, il faut qu’on continue sur cette lancée. Les consensus doivent toujours être à la base de nos décisions. Nous déplorons la manière dont quarante personnes, à peu près 50 % du comité de pilotage, ont été ajoutées», poursuit Moctar Sourang. Lequel souhaite, par ailleurs, que les présidents et les vice-présidents de commission soient choisis de manière consensuelle. Babacar Gaye affirme qu’il aurait fallu respecter le parallélisme des formes. «Il me semble que vous voulez délibérer, mais j’ai un problème avec le rajout de 40 personnes. Je ne suis pas contre, mais il faut y mettre la forme. Les membres du comité de pilotage ont été nommés par un décret rendu public, on devrait faire la même chose avec ces quarante personnes. En plus, il ne vous appartient pas à vous de décider de l’opportunité du rajout», déclare l’ancien porte-parole du Pds. «Ça suffit, il faut arrêter, c’est de la comédie», lance Ousmane Sèye. «Nous avons une jurisprudence, la commission politique. L’opposition avait dit qu’il fallait une commission cellulaire, c’est-à-dire composée des personnalités indépendantes et équidistantes des partis politiques. C’est cela qui doit être la règle pour la présidence de toutes les commissions. Le président Famara Ibrahima Sagna a endossé la responsabilité de ce qui s’est passé, il a expliqué une volonté d’équilibrer, pour qu’il y ait plus de femmes au niveau du comité de pilotage. Mais je pense que même cela devait être discuté», indique encore le coordonnateur de l’opposition.
Pour sa part, Cheikh Tidiane Gadio, membre de la mouvance présidentielle propose par l’Assemblée un vote pour le respect de la parité pour ce qui est de la nomination des présidents et vice-présidents de commission. «Je propose qu’on adopte la proposition de Gadio, ensuite je lis mon discours, on fait sortir la presse, puis on continue», appuie Famara Ibrahima Sagna. A cela Oumar Sarr rétorque en affirmant que l’Assemblée est incapable de délibérer avec des personnes dont ne sait pas comment et à quel titre elles ont été cooptées. «C’est juste un avant-projet qui nous permet d’avancer», répond le président du comité de pilotage. En outre, Moctar Sourang indique qu’ils ne sont pas venus pour déterminer un projet de gouvernement ou pour discuter de projets sectoriels. «Nous sommes une opposition et nous continuerons à nous opposer. Nous sommes ici pour discuter des problèmes qui transcendent les régimes politiques», assène-t-il, répondant ainsi à certains membres de la mouvance présidentielle qui demandent aux plénipotentiaires de l’opposition d’enlever leur casquette d’opposants.
Charles Gaïky DIENE