Si rien n’est fait, on file droit vers la dislocation des mouvements de lanceurs d’alerte en Afrique. De nombreuses menaces planent sur la survie de ces structures de jeunes, selon des chercheurs. Lesquels ont restitué, hier, une étude sur leur émergence.
Au lendemain de la défaite de Me Abdoulaye Wade, en 2012, on assiste à la prolifération d’une nouvelle forme de pression contre des autorités étatiques en Afrique. Depuis, naissent des réseaux panafricains de jeunes activistes touchant tous les domaines, et en constant renouvellement structurel avec des expressions dites émergeantes. Mais, d’après des chercheurs intervenant sur plusieurs disciplines, ces formes d’expressions qui s’étaient positionnées comme des réponses à des demandes spécifiques formulées par les grandes figures africaines tels que Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Thomas Sankara, Lumumba, etc. sont en passe de connaitre des lendemains incertains. «Les menaces à la pérennisation sont nombreuses. Il y a d’abord le non accès au fonds publics à cause de la nature même des organisations des jeunes. Ces dernières donnent des formations mais sont confrontées à la non accréditation des formations données à cause de leurs formes juridiques officielles. Certains aspects constituent leurs points faibles, à savoir : les conditions officielles en termes de niveau des apprenants, de profil des formateurs, de volume horaire, de non reconnaissance de la structure en tant que structure de formation, etc.», a indiqué, hier, le professeur Mamadou Dramé qui a dirigé une étude en ce sens. C’était, hier, lors d’un atelier de restitution de cette étude intitulée : «Jeunes et espaces de liberté en Afrique de l’Ouest. Expressions émergentes, engagement citoyen et solidarité d’actions pour une démocratie inclusive et des transformations sociales favorables à l’atteinte des Odd».
Selon ce dernier, cette enquête d’une année a été conduite par une équipe pluridisciplinaire de neuf chercheurs appartenant à plus de sept disciplines, avec des méthodes novatrices, sur plusieurs sites, couvrant, entres autres pays de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal, le Burkina Faso, la Gambie, le Niger, et le Mali. Au cours de cette enquête, informe Mamadou Dramé, plusieurs consultations ont été menées avec les parties prenantes dont le comité scientifique de l’étude.
A l’en croire, l’étude a démontré également que la dépendance aux financements extérieurs réduit le champ d’action des organisations de jeunes. «Notons par ailleurs que la répression du politique de certains blogueurs, entre autres, emprisonnements, menaces verbales, perte d’emploi, est une réalité de même que le coût de l’internet qui est relativement élevé dans certains pays. La politique apparaît comme un prolongement de l’organisation gérontocratique des sociétés africaines. Ce qui constitue un obstacle majeur à l’implication effective des jeunes, avec des voix dissonantes, dans les sphères de décision», explique Mamadou Dramé. «Il y a une pluralité des associations de jeunes. Il faudrait voir comment les aider à se structurer et à se fédérer pour les aider à mieux encadrer les jeunes. Les associations des jeunes sont des espaces de concurrence, de compétition alors qu’elles auraient pu mettre en avant la mutualisation des ressources pour être plus efficaces. Parfois, les mouvements de jeunes peuvent courir le risque d’être instrumentalisés par les pouvoirs politiques, mais aussi les Ong internationales qui peuvent avoir un agenda différent de ce qu’elles déclarent», ajoute-t-il.
Alors que, soutient-il, c’est grâce aux actions entreprises par les jeunes à travers les expressions culturelles et la présence sur les espaces numériques que des changements politiques sont observés dans nombre de pays. «Au Sénégal, l’action des jeunes de la plateforme Sunuelection, le mouvement Y en a marre, etc., des Sofas de la République au Mali, du Balai citoyen au Burkina Faso, etc. ont conduit à des changements à la tête de ces pays pendant les élections. Leurs actions ont permis une prise de conscience des électeurs et ont permis de lutter drastiquement contre les achats de conscience et de votes, la corruption et le trafic d’influence en plus d’apporter de la transparence dans les résultats relayés et surveillés», constate-t-il.
Pour la sauvegarde de ces mouvements, de nombreuses recommandations ont été formulées dans cette étude.
Salif KA