Après seulement onze années d’existence et huit ans au pouvoir, le parti présidentiel montre des signes de fin de règne. Les querelles au sommet du parti et les révélations de Yakham Mbaye sur la mauvaise gestion du pays risquent de précipiter la chute. Car elles montrent les signes d’une fin de règne et donnent les raisons de sanctionner Macky Sall. Aujourd’hui, l’Apr ressemble à tous points de vue au Pds pré 2012.
Ça sent le début de la fin pour l’Alliance pour la République (Apr). Créé en 2008, le parti présidentiel qui gouverne le Sénégal depuis seulement 8 ans montre déjà des signes d’essoufflement et pire des signes d’implosion. Comme le chant du cygne, les querelles au sommet du parti semblent sonner le glas de cette formation que les observateurs politiques ont toujours considéré comme non structurée et qui tient encore debout grâce à l’exercice du pouvoir. En effet, la délation, les querelles intestines, les invectives et les dénonciations calomnieuses entre responsables au sommet ressemblent à bien des égards à celles qui ont précédé la chute du régime des libéraux. En 2011, les libéraux se faisaient sans cesse des procès en sorcellerie, s’accusant de tous les péchés d’Israël. Aujourd’hui, l’Apr ressemble à tous points de vue au Pds pré 2012.
En effet, aujourd’hui, certains responsables, usant de leur liberté de ton, après tout l’Apr n’est pas une secte et Macky Sall n’est pas un dieu, donnent leurs points de vue sur la marche du parti, la gestion des affaires publiques par le Président Macky Sall et son gouvernement ou dénoncent l’inaccessibilité subite de la famille présidentielle. En face, d’autres, par excès de zèle ou se sentant investis d’une mission divine, les insultent copieusement. Pire, ils mettent sur la place publique leurs conversations privées.
Moustapha Diakhaté en a fait les frais et continue de subir les attaques de certains de ses camarades de parti. Il reçoit des insultes, des invectives et même des menaces dès qu’il dit ou écrit que le Président Macky Sall ne peut pas se représenter à la présidentielle de 2024. Son camarade de parti, le député Djibril War, l’a d’ailleurs accusé d’avoir touché 10 millions de francs par mois lorsqu’il était président du groupe parlementaire de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Il a été également malmené lorsqu’il a critiqué la hausse du prix de l’électricité.
Le tonitruant député Moustapha Cissé Lô vient également de faire les frais de la furie de Yakham Mbaye, le directeur du quotidien national Le Soleil et membre du secrétariat national de l’Apr. Dans un entretien accordé à dakaractu, il dévoile les détails d’une conversation entre le Président Macky Sall, le député Abdou Mbow, Moustapha Cissé Lô et lui-même.
Toujours dans sa logique de combattre tous les «mal pensants», Yakham Mbaye divulgue également une conversation entre la femme du président de la République et l’ancien ministre Youssou Touré.
Mais le pire c’est quand le directeur du quotidien national Le Soleil accuse Moustapha Cissé Lô, le responsable de l’Apr à Touba, d’avoir illégalement obtenu l’incroyable quantité de 4 101 tonnes d’engrais et de semences pour le compte de sa famille et d’une mafia. Des révélations qui front froid dans le dos et qui prouvent surtout à suffisance la mauvaise gestion de l’Etat et plus particulièrement de l’agriculture. Avec les graves révélations de Yakham Mbaye on comprend maintenant pourquoi le secteur agricole, qui devrait être le moteur de la croissance économique, est moribond. Yakham Mbaye réagissait aux critiques du député Moustapha Cissé Lô contre le gouvernement et en particuliers le ministère de l’Agriculture. Lors du vote du budget du ministère de l’Agriculture, il avait dénoncé d’une manière très virulente à l’Assemblée nationale la «mafia» au cœur de l’Etat qui contrôlerait, selon lui, la distribution des semences et des engrais en écartant les vrais opérateurs économiques.
Ainsi, Yakham Mbaye et le député Moustapha Cissé Lô mettent à nu les tares du régime. En même temps, ils donnent également aux Sénégalais des motifs de sanctionner négativement le régime de Macky Sall. Car ils donnent la preuve que les responsables de l’Apr se partagent les maigres ressources du Sénégal. Avec des responsables qui se font la guerre, Macky Sall n’a plus de rivaux. Aujourd’hui, l’Apr fait la guerre à l’Apr. L’Apr est devenu l’ennemi de l’Apr. Les opposants peuvent attendre sans souci l’implosion de l’Apr.
A ce déballage qui affaiblit le parti présidentiel et son chef, il faut ajouter la perte d’autorité de Macky Sall. Et pour cause, il a déjà distribué les postes et il n’est pas candidat à un troisième mandat, d’après ses dires. En conséquent, certains apéristes ne comptent plus sur lui pour avoir des avantages. La floraison de courants et de mouvements de contestation au sein du parti montre également la perte d’autorité du président Macky Sall. En plus, il faut dire que les apéristes avertis sentent que le vent commence à tourner.
Charles Gaïky DIENE