Depuis sa réélection, Macky Sall a enfilé la tunique de coupeur de têtes. Après celle du Premier ministre, premier élément du sacrifice, Sory Kaba et Moustapha Diakhaté prennent l’escalator. Les «fautes» des deux derniers relèvent d’une stratégie de préparation des cerveaux au fait que, après le chef, c’est le chaos.
«Après moi, le déluge». Ce pourrait être le titre d’un film pour retracer la stratégie du chaos dans laquelle Macky saison 2 veut confiner ses partisans et tous les coalisés qui le soutiennent. En effet, Sory Kaba et Moustapha Diakhaté pourraient n’être que les premières victimes de ce long métrage dont le synopsis, au vu du déroulé des événements, pourrait être régulièrement mis à jour. Parce que, si tous ceux qui s’expriment sur le mandat ont droit à un tour gratis chez le coiffeur, il y a de quoi, de la part de ce dernier, aiguiser ciseaux et tondeuses. Mais, ce scénario pouvait-il surprendre ? Non, vu que la nature a horreur du vide. Après s’être chargé de ses plus irréductibles opposants, emprisonnés ou «exilés», fait recaler les autres sur la base d’une loi sur le parrainage, inspirée par un «tailleur de haute couture» (sic), et votée «sans débat» le 19 avril 2018, à quelques mois de la Présidentielle, réduit «à sa plus simple expression» les résidus de l’opposition, Macky ne pouvait que se tourner vers ses partisans.
Dès le lendemain de sa réélection, contestée par ses adversaires, il surprend son monde en supprimant le poste de Premier ministre, l’enveloppant dans un concept de marketing politique qui fait passer la proie pour l’ombre : fast track. Pendant qu’on joue et surjoue de ce concept tout droit sorti du vocabulaire de la Banque mondiale, le patron des apéristes a fini de concevoir la suite du film. En déplacement à Paris, devant ses militants de l’Hexagone, il annonce la dissolution de tous les mouvements de soutien et annonce qu’il ne tolérera aucune discussion sur le mandat avant 2024, donc avant le terme de son second bail à la tête du pays. Et nous disions, à l’époque, que de deux choses l’une : ou Macky est candidat à un troisième mandat ou il veut pousser son parti au suicide. Dans les deux cas, on est dans l’absurde absolu. Parce que, d’abord, lui-même avait déclaré avoir verrouillé le nombre de mandat à deux. Ensuite, l’essence même d’un parti politique, c’est de conquérir le pouvoir et de le conserver. Toute autre démarche frise le hara kiri politique. Et ceux qui en doutaient ont commencé à en faire les frais. Ceux qui en douteront les suivront au «cimetière» des condamnés à mort pour délit de sale gueule. Ceux qui caressaient le rêve de la succession sont «exilés». Inspecteur des impôts ayant gravi tous les échelons de la hiérarchie financière jusqu’au poste de ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ est envoyé, sans visa, aux Affaires étrangères. Une étrange affaire. Mais, pas si étrange pour les initiés du «Château».
En définitive, tout se passe et se passera comme si, après Macky, c’est le chaos. Et tous les moyens idéologiques et de propagande seront mis au service de cette vérité. Rappelons simplement que, avant Macky Sall, Diouf et Wade se sont fait appeler «constantes», tout le reste de la troupe n’étant que des «variables» qui, comme dans un jeu de dames, pouvaient changer de posture, selon le bon vouloir du joueur. Mais, le statut actuel des prédécesseurs de Macky renseigne sur la vacuité de cet axiome plus proche de la flagornerie voire de la fantasmagorie que du réel.
Ibrahima ANNE