Les universitaires jugent malsain le débat sur la possibilité pour Macky Sall de briguer un troisième mandat. Constitutionaliste et enseignant depuis plus de 20 ans à la Faculté de droit, Ndiogou Sarr affirme que la Constitution a été très claire et précise sur ce point. La Constitution du 22 janvier 2001 modifiée en 2016, ne permet à aucun président de la République de briguer un troisième mandat.
Ndiogou Sarr se veut formel. Constitutionaliste et enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad, il soutient que la constitution ne prête pas à équivoque et que le président de la République n’a pas la possibilité de se représenter en 2024. «Le texte de la Constitution, contrairement à ce que pensent certains, est très clair. Il a été très bien rédigé et ne doit faire l’objet d’aucune autre interprétation. La Constitution dit que le mandat du président de la République est de 5 ans, renouvelable qu’une seule fois. Pour boucler la boucle, la Constitution dit que nul ne peut faire plus deux mandats consécutifs. Le fait qu’il précise cela, montre que le mandat du président de la République dure 7 ans ou 5 ans, Macky Sall n’a aucune possibilité de briguer un troisième mandat», dit-il. Selon lui, interpréter le texte, revient à faire dire au juge ce qu’il n’a pas dit. Cela revient à interpréter ce qui est déjà clair, d’après lui. Or qu’en droit, on n’interprète pas ce qui est déjà clair, dit-il. «Parce qu’il n’y a aucune confusion possible. La Constitution du 22 janvier 2001 modifiée en 2016, est très claire dans ses dispositions. Elle ne permet à aucun président de la République de briguer un troisième mandat au Sénégal», persiste encore le constitutionnaliste.
Il explique que ce qui amène une confusion, c’est le fait que le président de la République avait demandé en 2016, une modification de la constitution sur la durée du mandat et non pas sur le nombre de mandat. D’après lui, Macky Sall voulait, à l’époque, que la durée du mandat passe de 7 ans à 5 ans et que cette réduction soit appliquée à son mandat en cours. «Le juge lui avait répondu que son mandat en cours avait déjà été réglé par la Constitution. Il ne peut pas passer outre parce que c’est un pouvoir que la Constitution lui donne. Cela ne veut pas dire que son mandat de 7 ans n’a pas été comptabilisé parce qu’on n’a pas choisi deux constitutions. On l’a uniquement modifiée sur la durée du mandat. Cette modification n’a pas touché le nombre de mandat. La modification n’a fait que préciser le nombre de mandat qui était à deux dans la constitution du 22 janvier 2001», souligne le constitutionnaliste. A l’en croire, la confusion, c’est la comparaison faite entre le cas de Me Wade et celui de Macky Sall. Or, d’après lui, sur le cas Abdoulaye Wade, le Conseil constitutionnel avait fait une bonne appréciation de la situation et des textes de la constitution. Il soutient que rien ne l’empêchait de briguer un troisième mandat. Mais, selon lui, pour des raisons éthiques, le Pape du Sopi devait s’empêcher de briguer un troisième mandat, même si la loi l’autorise. «Le Conseil constitutionnel n’avait aucun moyen de droit qui lui permettait de dire que la candidature de Wade n’était pas valable. Abdoulaye Wade a eu son premier mandat sous l’emprise de la constitution de 1963. Quand il l’a changé, on a eu une nouvelle constitution. Donc, quand on change une constitution, toutes les dispositions antérieures sont anéanties. On ne peut plus faire appel à cela suivant le principe de la non rétroactivité de la loi. Sauf, si la loi nouvelle prévoit de rétroagir pour qu’elle soit appliquée aux situations antérieures. On ne pouvait pas dire que le premier mandat était comptabilisé comme faisant partie des deux cas : le premier mandat, régi par la constitution de 1963 et le second, régi par celle du 22 janvier 2001», indique l’enseignant. Qui ajoute aussitôt : «Par contre, le président Macky Sall a été élu sous l’emprise de la constitution du 22 janvier 2001. Au moment où nous débattons, la Constitution du 22 janvier est entrée en vigueur, on l’a modifiée sur certains aspects. Cette modification ne saurait être comprise comme un changement de constitution. A partir de ce moment, il n’y a pas possibilité de discuter sur une possibilité pour lui de briguer un troisième mandat que la modification de la constitution n’a pas touchée». En conséquence, il juge ce débat «malsain» et indique que tout juriste du supérieur, interpellé sur le sujet, doit répondre que le débat est malsain. «Il ne doit pas y avoir d’interprétation puisqu’on interprète ce qui n’est pas clair. Un politicien qui parle, c’est autre chose. Les hommes politiques peuvent avoir des intentions inavouées. Même si la constitution est limpide comme l’eau de roche, ce n’est pas exclu qu’il y ait un homme politique tenté de manipuler dans l’objectif de semer le doute ou la confusion ou pour amener le juge à se ranger de son côté», renchérit cet enseignant à la Faculté de droit depuis plus de 20 ans.