Les services rendus par les agents de l’Etat laissent à désirer. C’est du moins l’avis du colonel Mamadou Gaye, responsable des ressources humaines de l’état-major général des armées. Ce dernier qui s’exprimait, avant-hier, en marge de la cérémonie de remise de parchemins aux nouvelles recrues de la fonction publique, a longuement disserté sur les comportements peu «enviables» des agents de l’Etat.
Même si les autorités publiques se félicitent de la qualité des services rendus par les agents de l’Etat, des dysfonctionnements y persistent toujours. C’est d’ailleurs tout le sens du discours d’avant-hier du colonel Mamadou Gaye, responsable des ressources humaines de l’état-major général des armées. Un discours assimilable à un cours magistral de rentrée académique d’une université. Prenant part à la cérémonie de remise de parchemins aux nouvelles recrues de la fonction publique par le ministre dudit département, l’officier de l’armée a profité de son temps de parole pour pointer du doigt les couacs qui plombent le service public. Lesquels ont pour noms : absentéisme, manque de patriotisme, pertes de valeurs, etc. «Nous le constatons tous, impuissants ou résignés, notre environnement socioprofessionnel est devenu un lieu de frictions, de frustrations, de désespoir, de déceptions, de fléaux aux antipodes de la morale et de l’éthique. Chères recrues de la fonction publique, notre conscience citoyenne est plus que jamais interpelée et nous invite à repenser la responsabilité professionnelle qui doit être un préalable à toute forme d’engagement citoyen», déclare le colonel Mamadou Gaye. «Si le besoin s’est fait sentir de repenser le service public, c’est qu’un constat s’impose : le reflexe civique et citoyen est en perte de vitesse au Sénégal et notre pays a besoin de sursaut patriotique», ajoute-t-il.
D’après le haut gradé de l’armée nationale, les progrès scientifiques et techniques, la modernité d’une manière générale ont influé sur les modes de vie, les mentalités et la hiérarchie des valeurs. Et, soutient-il, notre société, comme toutes les autres, a connu de profondes mutations sociétales caractérisées par l’avènement de l’ère de l’information et de la démocratie dont le fondement est la liberté (liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’association, liberté de réunion, liberté de déplacement, liberté de manifestation, libertés culturelles, religieuses, philosophiques, syndicales, etc.). «Nous assistons hélas à la déliquescence de certaines valeurs sociétales sénégalaises comme le sens de l’honneur (Jom), la décence (kersa) ou la discipline (Yar), etc. dont les effets les plus visibles sont la perte de la notion de bien public, l’individualisme, le manque de patriotisme, la crise identité, la perte de valeurs morales, la crise d’autorité, la démission parentale, etc.», souligne-t-il.
A l’en croire, l’aspiration à plus de libertés n’a pas été contrôlée ou régulée et a subséquemment conduit à une crise de citoyenneté sans précédent tels que «l’absentéisme, la tricherie au travail, les passe-droits, le gain facile, la privatisation du bien public, le non-respect de la chose publique, des lois, des institutions de la République, etc.». Laquelle crise, estime-t-il, est souvent l’expression du primat des intérêts particuliers, des appartenances primordiales, ethniques, sociales, culturelles, religieuses ou confrériques, raciales, corporatistes sur l’intérêt général. « Aussi semble-t-il opportun de rappeler que la mission de défense du territoire, comme celle du service public étant un véritable sacerdoce, elle exige de tout citoyen qui l’exerce, dévouement, détermination, don de soi et sens de l’honneur. L’acquisition de ces vertus passera par un enseignement moral de qualité, voie incontournable pour mettre à la disposition de la patrie des citoyens convaincus de leur devoir», recommande le colonel Mamadou Gaye. Avant d’ajouter : «La vocation du militaire tout comme celle du fonctionnaire est de servir. C’est l’acte volontaire et conscient de toute personne qui se donne librement et totalement à une cause qui la transcende. Servir suppose une foi profonde, une attitude d’abnégation, de générosité et même d’humilité : c’est en ce sens que l’on parle de vocation plutôt que de métier.»
Salif KA