La proposition de loi modifiant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale a encore déçu, selon l’ancien député Thierno Bocoum.
Il affirme que les termes de l’article 80 Bis sont révélateurs de la plume qui se cacherait derrière cette retouche mineure. «Cet article corse les dispositions déjà existantes pour réduire à néant les marges d’intervention du député dans le cadre d’un projet de loi de finances accroché aux exigences de l’entrée en vigueur du budget-programme en 2020. Tout laisse croire que les députés de la majorité se sont encore conformés à un texte de l’exécutif pour en faire une proposition de loi», dit-il. Selon lui, la majorité avait l’occasion de se doter des moyens de se pencher sur le contrôle effectif du budget-programme prévu par les directives de l’Uemoa de 2009 et que le Sénégal va finalement intégrer en 2020.
Ce budget-programme, dit-il, va obliger l’Etat à ne pas s’en tenir à des principes de politique générale, mais à se doter d’objectifs précis, arrêtés en fonction des finalités d’intérêt général et des résultats attendus mesurés par des indicateurs de performance. «Avec la toute prochaine application du budget-programme, ladite proposition de loi aurait pu, au moins, s’inspirer de l’évolution dans l’encadrement de l’initiative parlementaire avec notamment, par exemple, en France, le fait d’autoriser les parlementaires à opérer des mouvements entre les programmes d’une même mission sans augmenter le montant total des crédits de celle-ci. À la place d’une extension des prérogatives des députés compte tenu des nouvelles opportunités de contrôle, l’article 80 bis de ladite proposition se limite à restreindre l’initiative parlementaire», dénonce encore Thierno Bocoum, ajoutant que la majorité a encore une fois raté l’occasion de rendre à l’Assemblée nationale sa dignité de siège de représentation du peuple sénégalais après les coups de boutoirs successifs de l’exécutif qui ont fini par en faire une chambre d’enregistrement.
En outre, l’ancien parlementaire de Rewmi estime qu’il est regrettable que la majorité n’ait pensé qu’à augmenter ses privilèges à la place de ses responsabilités et de ses prérogatives. «En augmentant le nombre de commissions de 11 à 14, la majorité ne fait qu’augmenter les postes de dépenses à la charge du contribuable sénégalais tout en ignorant ses attentes, notamment en termes de prise en charge des mécanismes de transparence et de suivi de l’exécution des lois votées», fustige-t-il. Selon lui, la commission comptabilité et contrôle qui est chargée de la transparence des ressources allouées à l’Assemblée nationale n’a jamais produit de rapports destinés à l’Assemblée, portant sur l’exécution du mandat de contrôle qui lui est confié conformément à la loi. Idem pour la commission de délégation, dont la mission est de faire l’évaluation et le suivi de l’exécution des lois votées, qui ne fonctionne pas, et ne fait que consommer des crédits gracieusement alloués. A l’en croire, la proposition de modification du règlement intérieur n’a été finalement qu’un prétexte pour annihiler les prérogatives de contrôle des députés, et octroyer des privilèges à une clientèle politique.
Charles Gaïky DIENE