Les retrouvailles entre l’ancien président de la République et son successeur et la libération de l’ancien maire de Dakar semblent être annonciatrices d’une probable reconfiguration de l’espace politique. Celle-ci pourrait être la résultante d’un retour aux grands ensembles à dominante idéologique qu’hybride comme c’est le cas aujourd’hui avec les coalitions contre nature.
Au rythme où vont les choses, on file droit vers une reconstitution des grandes familles idéologiques. Une situation qui, si elle advenait, serait de nature non seulement à apaiser le climat mais permettrait d’avoir plus de visibilité dans le jeu politique. Aussi, il serait hasardeux de considérer un seul instant qu’il n’y a pas de soubassement politique dans les actes que viennent de poser Macky Sall et Abdoulaye Wade et de ne retenir que des retrouvailles entre un fils putatif et son père. Et à ce titre la grâce accordée à Khalifa Sall 48 heures seulement après cette réconciliation pourrait n’être que la partie visible de l’iceberg. Surtout quand on sait que la libération de Khalifa Sall allait figurer en bonne place dans les recommandations contenues dans les conclusions du dialogue national et que le président Sall avait donné l’assurance qu’aucune virgule ne sera enlevée de ces conclusions.
Cette précipitation est le prélude à un autre acte, l’autorisation à Karim Wade de revenir au bercail qui ouvrirait grandement la porte des retrouvailles entre les frères libéraux de l’Apr et du Pds et lancerait, si ce n’est pas déjà en cours, les négociations avec le rewmiste en chef et son parti. Toute question qui n’est d’ailleurs pas sans poser celle du silence trop lourd d’Idrissa Seck depuis la dernière présidentielle. Surtout avec la rumeur qui fait état de négociations entre Idy et Macky sur un poste dans l’appareil étatique taillé sur mesure pour le patron du Rewmi. Un cas de figure d’autant plausible qu’elle serait d’un double avantage puisqu’elle réglerait définitivement le problème Wade père en ce que son fils va recouvrer sa liberté d’aller et de venir mais aussi qu’elle serait pour Macky Sall un moyen d’assurer ses arrières et d’éviter une éventuelle chasse aux sorcières après son départ du pouvoir. Car autant Abdoulaye Wade tient à la liberté de son fils, autant Macky Sall tient à la protection de son frère fortement accablé dans le scandale sur le pétrole et le gaz qui agite le pays depuis le mois de juin dernier. Sans compter qu’une réunification de la grande famille libérale au courant du deuxième et probable dernier mandat de Macky Sall pourrait être un premier pas dans la réalisation la prophétie du Pape du Sopi quand il présidait un règne de cinquante ans du libéralisme au Sénégal.
Aussi, une reconstitution de la grande famille libérale va inéluctablement sonner pour ne pas dire précipiter la fin du compagnonnage entre les socialistes et les apéristes. Laquelle fin était déjà prévisible puisque, Djibo Kâ, Tanor Dieng et Amath Dansoko subitement rappelés à Dieu, le poids des ans pesant lourdement sur les épaules Moustapha Niass et Macky Sall bouclant son dernier mandat, une page entière de l’histoire politique du Sénégal est en train de se refermer. Et, en conséquence rien ne s’oppose à ce que le parti socialiste revienne à sa vocation première de conquête et d’exercice du pouvoir. Ce qui ne peut passer que par la reconstitution de la grande famille socialiste. Le ton avait d’ailleurs été donné par le défunt président Ousmane Tanor Dieng dans ses dernières volontés exprimées. Et à ce titre, le rapprochement de Malick Gakou du camp et de Khalifa Sall et la promptitude de l’Afp à se féliciter de la remise totale de la peine infligée à ce dernier ne sont pas à prendre à la légère. Quid de l’acte éminemment politique posé par Khalifa Sall dès les premières heures de sa libération ? Une véritable démonstration de force comme pour attester de son leadership dans la maison socialiste. Mais aussi de dire qu’il reste figé sur ses ambitions et que rien ni personne ne pourront le faire changer d’avis. Aussi, il ne sera pas surprenant qu’autour de sa personne se construise un large consensus pour aller vers la reconstitution de la grande famille socialiste.
Un troisième pôle pourrait voir le jour autour de l’idéologie gauchiste avec une entente Pit, Ld et ce qu’on pourrait appeler le flanc gauche au sein de l’Apr. Lequel flanc pourrait être incarné par Aminata Touré et autres militants de l’Apr qui ne sont pas des libéraux et qui ne se verront plus dans les nouveaux schémas. La posture de Mimi qui se met déjà dans la peau d’une candidate à la prochaine présidentielle alors que le président leur demande à tous de taire leurs ambitions présidentielles, peut, à ce titre être très éloquente. En tous les cas, au regard de ce qui est en train de se passer dans l’espace politique sénégalais, il ne serait pas hasardeux de penser que la page des rassemblements hétéroclites est en train d’être tournée et que la dynamique actuelle tend vers la reconstitution des grands pôles idéologiques.
Sidy DIENG