Idrissa Seck est actuellement l’opposant absent le plus présent sur la scène médiatique. Alors que les opposants sont vent debout contre le Président Macky Sall, il est accusé de pactiser avec le pouvoir. Le tout, sur fond d’un silence intriguant.
Depuis la fin de l’élection présidentielle du 24 février dernier et sa contestation du scrutin, Idrissa Seck s’est emmuré dans un silence de cimetière. Un silence qui porte à équivoque, surtout en cette période très agitée politiquement, car marquée par la guéguerre entre le pouvoir et l’opposition concernant le débat sur le dialogue politique, sur le pétrole et le gaz et sur le statut du chef de l’opposition. En effet, tous les leaders de l’opposition, à l’exception notable d’Idrissa Seck, descendent régulièrement dans la rue, participent aux manifestations du mouvement Aar Li Nu Bokk et critiquent sans ambages les «scandales» qui émaillent la gestion des ressources naturelles, notamment l’affaire révélée par la Bbc, portant sur 10 milliards de dollars et impliquant Aliou Sall, le frère du Président Macky Sall. Ousmane Sonko puis Abdoul Mbaye et Mamadou Lamine Diallo dénoncent également le contrat entre l’Etat du Sénégal et la société turque Tosyali pour l’exploitation du fer de la Falémé. Il y a également l’emprisonnement du journaliste et activiste Adama Gaye. Mais, dans tous ces dossiers qui agitent le landerneau politico-médiatico-économique, Idrissa Seck brille par son silence. Barthélémy Dias lui reprochait de ne pas s’impliquer dans le combat contre la spoliation des ressources gazières et pétrolières et de privilégier le dialogue politique boycotté par une frange importante de l’opposition. Mais en guise de réponse, les Rewmistes lui avaient demandé de ne pas s’immiscer dans la stratégie politique et communicationnelle d’Idrissa Seck et de son parti. Quelques temps après, Barthélémy Dias revint à la charge, par la voix de son chargé de communication. «Décidément, le politicien ne changera jamais et trouvera toujours un prétexte pour manquer son rendez-vous avec le peuple. Au nom d’une supposée stratégie de communication et d’une liberté de choix sur le sujet et le moment pour représenter dignement son peuple, le politicien aura été le grand absent du 23 juin. Mieux encore, il aura été aphone au moment où tout le peuple s’interroge et s’indigne de l’opacité dans la gestion de nos ressources naturelles», écrit Pape Konaré Diaïté, le porte-parole du maire Barthélémy Dias.
D’autre part, alors que certains opposants l’accusent ouvertement de vouloir se rapprocher du Président Macky Sall -des accusations qui n’ont jamais été étayées par des preuves, certes- le chef du parti Rewmi brille par son silence. Il refuse de démentir les accusations selon lesquelles Macky Sall lui préparerait une cagnotte de 2 milliards de francs s’il accepte d’endosser le statut du chef de l’opposition. En effet, le député et leader du mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo, affirme que le chef de l’Etat a décidé d’octroyer 2 milliards de francs au futur chef de l’opposition. Alors que les opposants l’invitent à rejeter ouvertement ce «cadeau empoisonné» visant à diviser et à divertir l’opposition, Idrissa Seck s’emmure là aussi dans un silence qui nourrit les spéculations.
Arrivé deuxième lors du scrutin présidentiel, ses partisans le considèrent comme étant le chef naturel de l’opposition. Même si, par ailleurs, les modalités de désignation du chef de l’opposition ne sont pas encore définies dans le cadre du dialogue politique en cours. Il s’agira de dire si le chef de l’opposition est le candidat arrivé deuxième lors du dernier scrutin présidentiel ou le président du groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée nationale. Toutefois, Yankhoba Seydi, secrétaire national chargé des relations internationales et directeur de l’école du parti Rewmi, affirme qu’Idrissa Seck est en pleine réflexion. «Parce que quand la situation change, les hypothèses et les idées d’avant doivent être mises à jour. Et pour ces mises à jour sur le plan politique, il faut une réflexion pointue. Nous savons tous qu’Idy a une intelligence politique qui déborde et il ne veut pas faire des erreurs. Avec tout ce qui s’est passé, il a besoin de temps. Il a besoin de réflexion. (…) Il choisira le moment idéal pour se prononcer», dit-il sur Rewmi Fm. Peut-être aussi qu’Idy fait sienne la maxime qui dit que le silence est d’or.
Charles Gaïky DIENE