Après avoir retoqué les prévisions de croissance du Sénégal de 0,6 %, le Fmi a bloqué le déficit du pays, l’obligeant à limiter les projections budgétaires. Pis, il lui demande une deuxième Loi de finances rectificative (Lfr), qui est en cour de rédaction, des économies de 250 milliards et une vérité des prix avant tout nouveau programme avec le pays. Des exigences qui n’augurent rien de bon pour les populations et qui fleurent bon un ajustement structurel, en mode fast-tract.
L’Etat a vraiment chaud aux caisses. Au mois de juin dernier, les députés avaient adopté une première Loi de finances rectificative 2019. Une Lfr qui consacrait une baisse considérable des ressources qui sont passées de 4 071,77 milliards de francs Cfa à 3 988,63 milliards, soit une baisse de 83,14 milliards en valeur absolue et 2 % en valeur relative. Trois mois plus tard, l’Etat va devoir encore serrer la ceinture et faire des restrictions comme sur la facture téléphonique, l’eau et l’électricité des administrations. En effet, de sources sûres chez les bailleurs de fonds, le Fonds monétaire international (Fmi), contacté officiellement qui a promis de nous revenir, et dont les équipes sont en discussions ave les techniciens des Finances, exige avant tout nouveau programme avec le pays une deuxième Loi de finances rectificative (Lfr). Cela, pour encore revoir à la baisse les ressources attendues, faire des économies budgétaires d’au moins 250 milliards de francs Cfa et procéder à la hausse des prix de certains produits de base. Ce qui est, selon certains hauts fonctionnaires internationaux de cette institution de Bretton Woods, une «humiliation». Ce, même s’il a connu une Lfr 2 en 2014, mais c’était pour valider la hausse des ressources avec le Plan Sénégal émergent 1 (Pse) qui venait d’être plébiscité par la communauté des bailleurs.
Selon certains partenaires techniques et financiers, le gouvernement sénégalais a beau revoir à la hausse les prix des carburants qui en ont entraîné d’autres, le Fmi trouve cela insuffisant. Et de sources sûres à la Rue René Ndiaye x Avenue Carde, les techniciens du ministère des Finances sont en train de travailler sur cette deuxième Loi de finances rectificative. «C’est en cours de rédaction. Et cette Lfr 2 va avoir des conséquences dramatiques sur les prix de certains produits de consommation qui vont exploser et créer beaucoup de déséquilibres», explique un haut fonctionnaire. Qui rappelle que le contrecoup de cette grande période de consommation qu’est la Tabaski sera très compliqué. «Cette deuxième Lfr va être meublée par des mécanismes de rectification, avec l’inscription de nouveaux chapitres pour doter de ressources de nouvelles directions créées. Mais c’est plutôt pour embourber l’opinion puisque c’est un vrai recadrage économique. Et il y a des risques que ça flambe au niveau des prix à la consommation. Car, l’Etat va lever sa main sur certaines subventions. Ce qui est justifié, dans le fond, parce qu’il y a de grandes distorsions avec la réalité financière. Aujourd’hui, l’état des finances publiques est tel qu’il ne peut plus supporter ces subventions. On va ressentir le contrecoup d’une mauvaise gestion des finances publiques», confie une source ayant mis son nez dans l’exposé des motifs de cette nouvelle Lfr.
Taux de croissance retoqué
A côté de la révision à la baisse des prévisions du gouvernement, l’on nous apprend également que le Fmi a bloqué le déficit du pays après avoir rétréci la croissance du pays qui passe de 6,6 % à 6 %, selon ses prévisions les plus optimistes. Un «enthousiasme» qui risque d’être douché.
D’un autre côté, des sources chez les bailleurs expliquent leur subite réticence avec le Sénégal par un «problème de visibilité». Car, la suppression du poste de Pm, explique une source, ils la comprennent trop, c’est-à-dire qu’il y aura un troisième mandat ou pas. De même que le fait d’avoir scindé le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, alors que «la tendance est au regroupement dans les administrations publiques ». «Dans notre perception, c’est comme si le Sénégal est en train de changer de politique, qu’il aurait un autre agenda», s’interroge un haut fonctionnaire international. En tout cas, cela semble plausible vu que les bailleurs de fonds ont accompagné le Pse avec plus de 3 mille milliards en 2014, et soutenu sa poursuite. Mais, aujourd’hui, ils ne devraient plus être sûrs de rien avec ce référentiel dont la seconde phase a récolté plus de 7 mille milliards en décembre dernier, à la veille de l’élection présidentielle de février 2019. Un grand paradoxe. Si les bailleurs ont fermé le robinet à ce pays dont il s’était engagé à couvrir d’or il y a huit mois, cela doit être certainement à cause d’un manque de cohérence. En effet, la nouvelle composition du gouvernement a créé des chevauchements et incongruités indescriptibles. A titre d’exemple : les Impôts doivent être un instrument de recettes et de politique fiscale, mais, aujourd’hui, la Direction des Impôts et Domaines est logée au ministère des Finances et la politique fiscale est du ressort du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération qui gère la politique économique.
Ainsi, avec cette révision de la croissance, le blocage du déficit qui oblige le gouvernement à limiter les projections budgétaires ou encore cette nouvelle Loi de finances rectificative dans la même année, le Fmi semble, sans programme avec le pays, mettre Sénégal sous ajustement structurel (programme de réformes économiques pour permettre à un pays touché par de grandes difficultés économiques de sortir de la crise : Ndlr). Et malgré cette évidence, le pouvoir se permet de prendre quelques fantaisies avec la réalité.
Seyni DIOP