Chronique de WATHIE
Il n’y a presque plus de répit. Depuis que la BBC a remis au gout du jour le scandale Petro Tim, les choses s’accélèrent. Chaque jour son affaire et celle d’Aliou SALL finit tout doucement par passer par pertes et profits. Ainsi, les Sénégalais, qui n’en ont pas encore fini avec le pétrole, sont désormais tenus en haleine par le fer. Seulement, pour cette dernière ressource, la spoliation est loin de débuter avec la signature de la convention liant le Sénégal à l’entreprise turque Tosayli. Le fer, Macky a commencé à le ronger depuis 2013 avec le décret N° 2013-587 du 2 mai 2013 qui a privé à des milliers de Sénégalais leur gagne-pain.
«Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien». Le régime du président SALL semble avoir fait mienne cette assertion de l’ancien ministre français de l’Intérieur, Charles Pasqua. Au rythme effréné des nombreux scandales, difficile de se focaliser sur une affaire. Macky SALL qui a démarré son deuxième mandat dans la cacophonie d’une réforme institutionnelle n’a pas eu le temps de voir venir les révélations de la BBC. Depuis la publication du « scandale à 10 milliards », le Sénégal est constamment dans le tumulte. Un tapage discontinu, exacerbé par les abondantes dénégations du gouvernement après ces autres révélations d’Ousmane SONKO sur le bradage du fer de la Félémé. Le leader de PASTEF, à la suite de plusieurs autres leaders, s’est offusqué des largesses criminelles que le régime de Macky SALL a accordées à l’entreprise turque Tosyali Holding.
Et pourtant, ce que ces leaders politiques dénoncent c’est la partie invisible de l’iceberg : le fer au fond des mines non encore exploité. Ce qui était visible et qui est perdu vue ces dernières années ce sont ces milliers de Sénégalais qui ouvraient dans la collecte de la ferraille et que l’Etat à envoyer rallonger la file déjà interminable des chômeurs. Tout a commencé le jour où Macky SALL a signé le décret N° 2013-587 du 2 mai 2013, portant suspension de l’exportation de la ferraille et des sous-produits ferreux. Dans le rapport de présentation, fait par le ministre du Commerce, de l’Industrie et du Secteur informel, il est indiqué que : « Le présent projet de décret a pour objet d’initier la réglementation de la collecte et des transactions sur la ferraille qui permettra d’instaurer un cadre global de concurrence saine et incitative, propice au développement de la métallurgie dans le pays. Les négociants présents dans le créneau de l’exportation de la matière première seront dorénavant incités à investir dans la transformation domestique afin d’optimiser l’énorme potentiel du marché intérieur de la ferraille et des sous-produits ferreux». Sans mentionner la Société métallurgie d’Afrique (SOMETA), principale bénéficiaire de la mesure, le document renseigne : « L’Etat du Sénégal ambitionne de doter le pays d’une industrie lourde, hautement créatrice de valeur ajoutée et d’emplois. Dans ce cadre, il encourage et accompagne l’installation de fonderies et la fabrication d’automobiles. Avec une industrie métallurgique performante, le Sénégal aura consolidé la chaîne de valeur du secteur des bâtiments et travaux publics qui bénéficie déjà d’une production suffisante de ciment ». Fort de toutes ces remarques et observations de son ministre, le président Macky Sall signait le décret qui stipule, en son article premier, que : « L’exportation de la ferraille et des sous-produits ferreux collectés à l’intérieur du territoire national est suspendue pour une durée d’un (1) an renouvelable».
En effet, quand ce décret a été rendu public, de nombreux ferrailleurs ont peiné à y croire réellement. Pour ceux qui étaient sûrs d’avoir bien entendus, quelques manifestations suffiraient à faire revenir l’Etat sur sa décision. Très rapidement, ils vont tous déchanter. Malgré leurs marches, le Gouvernement ne lâchait pas prise. Et pour assurer l’entière effectivité de la mesure, les forces de l’ordre sont sollicitées pour traquer les exploitants clandestins. Face à leur détermination, les Indiens finirent par battre en retraite se retirant du secteur. Il restait maintenant les milliers de Sénégalais qui s’activaient dans le secteur en revendant la ferraille qu’ils collectaient aux exportateurs indiens. Avec le départ de ces derniers, les ferrailleurs n’avaient plus qu’à accepter de travailler avec la société chinoise ou changer de métier. Maintenant que personne n’avait plus le droit de sortir un morceau de fer du Sénégal, ne se serait qu’une pointe, la SOMETA, avec ses onze fours à même de transformer les débris, s’imposait comme la seule et unique alternative. Et pour commencer, la SOMETA fait chuter le prix de la tonne de fer léger et de la fonte, de 85 mille à 80 mille francs et pour le fer lourd de 125 000 à 100 000 F CFA. En outre, avec un tri exagérément rigoureux, beaucoup repartaient de l’usine avec des tonnes de ferraille entre les mains.
Pourtant, à son démarrage, en octobre 2012, les responsables de la fonderie située à Sébikotane, à quelque 30 kilomètres de Dakar, multipliaient les annonces grandiloquentes. «L’objectif est de produire un million de tonnes de fer par an au Sénégal d’ici à quatre années avec au minimum 3.000 emplois directs (…)Avec ce capital d’investissement, les chantiers sont bouclés à hauteur de 98% et dès le mois de novembre 2012, la SOMETA va produire 150 mille tonnes de fer par an (…)Nous comptons même vendre de l’énergie à la SENELEC et aux populations riveraines si elles en ont besoin », avait indiqué, le 6 mars 2013, Zhang Yun, PDG de la SOMETA. Zhang Yun serait ce support sur lequel repose la suprématie de la SOMETA. Son nom est apparu au public sénégalais à travers le communiqué ayant sanctionné la réunion du Conseil des ministres du jeudi 15 Septembre 2011. Puissant quand Me Abdoulaye WADE était au pouvoir, monsieur Yun n’a pas faibli avec l’arrivée de Macky SALL à la tête de l’Etat.
Malgré tous ces manquements, la SOMETA n’est jamais parvenue à atteindre les objectifs qui ont poussé l’Etat à lui faire des faveurs. L’embellie annoncée par Alioune SARR, alors le ministre du Commerce, n’a jamais vu le jour. L’industrie lourde qu’il annonçait, après près de dix ans d’existence, ne fabrique que des fers à béton et quelques cornières vendus dans la sous-région, principalement en Gambie. Alors que la SOMETA ambitionnait de produire assez d’énergie pour en revendre à la SENELEC et aux populations riveraines, elle fait souvent face à des coupures de courant. Que dire « des 3 mille emplois directs » annoncés ? Selon nos informations, ceux qui y travaillent dépassent à peine les 600 ouvriers. Et parmi ces travailleurs, beaucoup pour ne pas dire près de la moitié, viennent de la sous-région.A tous les coups, c’est le Sénégal qui perd.
Mame Birame WATHIE