C’est devenu la mode chez les grandes puissances : s’acoquiner avec l’Afrique. Le dernier sommet du G7 a vu 5 chefs d’Etat africains être invités à la table de ces pays les plus industrialisés de la planète. Deux jours après, c’était autour du Japon de convier le continent à Tokyo et dans quelques jours la Russie tient son grand’messe avec ce continent de l’avenir à Sotchi où devra se rendre Macky Sall. Avec les intérêts plus que marqués de la France, la Chine et l’Inde, l’Afrique est devenue un objet de rivalité des grands. Mais, ses dirigeants, bien dans le confort de ces rencontres, peinent à surfer sur cette rivalité.
Tous les oracles et grands visionnaires de ce monde s’accordent sur les perspectives économiques du continent noir : c’est l’heure de l’Afrique. Ce qui pousse tous les pays développés à avoir une stratégie pour le continent noir. A commencer par la Chine dont la présence plus que marquée sur cette chasse-gardée de la France rend furax au pays de Marianne au point d’être même évoquée lors du dernier déplacement du dirigeant chinois à l’Elysée. Mais jusqu’ici, les Africains ne semblent pas avoir bien saisi leur importance dans cette nouvelle carte des relations internationales. Ils demeurent et restent des sujets de l’histoire. Et non des acteurs. Ce, en acceptant notamment de subir le jeu des grandes puissances. En effet, nos dirigeants se montrent très enthousiastes à figurer sur les photos des grands raouts des puissances et autres pays émergents. A tel point que, si demain Monaco organisait un sommet avec l’Afrique, tous les chefs d’Etat y poseraient leurs palais volants. Et aucun pays africain ne peut réussir la prouesse de réunir en même temps deux chefs d’Etat ou de gouvernements européens.
En Occident, chaque pays définissant la géographie de son intérêt national, ces Etats sont en avance sur l’Afrique qui ne définit rien, continue de suivre et de se contenter d’être sur la liste des invités.
Interpellé sur la question, le politologue Yoro Dia regrette cette posture de nos dirigeants. «Aujourd’hui, faire partie de la grandeur c’est s’accoler à l’Afrique. Car, en Occident, cela fait désormais partie des éléments de politique extérieure que de s’accoler à l’Afrique pour montrer qu’on rayonne dans le monde. Cela tend même à devenir un élément de rivalité entre les grands de ce monde. Et nos chefs d’Etat suivent le train comme des moutons de panurge», analyse-t-il.
Avec ce comportement, les dirigeants africains sont non des acteurs mais des pions des relations internationales. Et ils montrent que ce qui semble les intéresser dans ses sommets, c’est le voyage et le confort de tels événements. Pourtant, ajoute le politologue, ils auraient pu surfer sur cette rivalité entre puissances pour dire : «Si la France nous lâche, la Chine est là». Pour lui, la vraie bataille du continent est une bataille économique puisqu’étant la seule à même de nous faire respecter au concert des nations. «Aujourd’hui, quand tu vas à Paris, le métro parle français, anglais et chinois. Le racisme n’est plus phénomène ethnique mais économique. Quand des Saoudiens, des bédouins, viennent à paris créer un embouteillage à minuit sans que cela ne choque personne, c’est parce qu’ils ont des Mercedes. Ils font du bruit sans déranger parce que l’argent n’a pas d’odeur», conclut M. Dia.
Seyni DIOP