Les populations de Guéreo sont décidées à faire face à ce qu’elles considèrent comme un abus de pouvoir du président de la République. Selon elles, Macky Sall a pris deux décrets autorisant le déclassement et l’immatriculation au nom de l’Etat de 16 hectares sur le domaine maritime et fluviale protégée de la Lagune de Guéreo en plus de 23 hectares du domaine national.
La spoliation foncière en fast-track est en passe de devenir un cauchemar pour les populations de nombreuses localités du pays. Chaque jour, elles en sont victimes, soit de la part de l’Etat, soit des collectivités locales. Ainsi, après Sangalkam, Ndiayène, Yène, c’est autour des populations de Guéreo de faire face au forcing de l’Etat. En conférence de presse, hier, ses ressortissants ont décidé d’attaquer ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir. En effet, par les décrets 2018-401 et 2018-402, le président de la République avait autorisé le déclassement et l’immatriculation au nom de l’Etat de 16 hectares sur les domaines maritime et fluviale protégés de la Lagune de Guéreo et de 23 hectares de son domaine national.
Selon, Ousmane Thiam membre du collectif qui a été constitué pour défendre les victimes, ces décrets attribuent ainsi par voie de bail la totalité de ces terres au Groupe Decameron qui opère au Sénégal sous le nom de l’Hôtel Baobab en invoquant le motif d’utilité publique. «Devant la surprise qu’une telle décision puisse être prise sans qu’aucun des propriétaires de parcelles (Plus de 800 parcelles) et de champs (détenus traditionnellement par 60 familles paysannes de Guéreo) n’aient été informés de la procédure, nous nous sommes organisés autour d’un collectif pour défendre nos droits», a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que les décrets suscitent de leur part un certain nombre d’interrogations. «Comment peut-on invoquer la raison d’utilité publique pour exproprier des citoyens sénégalais au profit d’une entité privée qui veut y ériger un complexe hôtelier ? Surtout qu’une partie du périmètre foncier visé à travers la procédure d’expropriation publique a déjà fait l’objet d’affectation aux membres de notre collectif qui disposent d’actes administratifs dûment signés par le maire de la localité et approuvés par le représentant de l’Etat, en l’occurrence le sous-préfet. L’autre partie consiste aux champs des paysans», se demande-t-il. A l’en croire, il y a méprise sur la zone géographique concernée. Car, soutient-il, les décrets font référence à la commune de Somone alors que les champs et les terrains sont rattachés au village de Guéreo, situé dans la commune de Sindian. «Le décret 2018-401 portant affectation de terrains relevant du domaine national n’a pas été précédé, au préalable, d’une délibération du conseil municipal de Sindia. Les décrets font référence à une enquête commodo incommodo qui aurait été conduite en 2013 mais qui, en réalité, n’a jamais été menée dans le village, ni portée à la connaissance des propriétaires dont certains sont sur le site depuis 20 ans, voire 30 ans», a-t-il dénoncé.
Poursuivant, il souligne : «Actuellement, nous avons introduit, par nos avocats ici présents, un recours à la Cour suprême pour excès de pouvoir. Je tenais juste à signaler et à attirer votre attention sur la nécessité de tirer le signal d’alarme sur les scandales fonciers au Sénégal. Il ne se passe pas un jour sans entendre des populations se rebeller contre les spoliations foncières. Aucune localité n’est épargnée. Si ce ne sont pas des délibérations municipales abusives, ce sont des décrets que l’on brandit pour des prétextes fallacieux. Nous ne nous laisserons pas faire et n’accepterons jamais d’être les victimes de cette boulimie foncière», a-t-il averti.
Par ailleurs, l’avocat du collectif, Me Moussa Sarr est convaincu qu’il y a au Sénégal un véritable problème de gouvernance foncière. «Je tiens à préciser qu’au regard de notre constitution, article 25 – dernier alinéa, l’Etat ainsi que toutes les collectivités ont l’obligation de veiller à la préservation du patrimoine foncier. Mais dans les faits, qu’estce que l’on constate ? Qu’il y a dans ce pays depuis quelques années, un véritable problème de gouvernance foncière. L’Etat du Sénégal a l’obligation de veiller à cette situation. Parce qu’elle peut être source de tous les dangers. On constate dans les faits qu’il y a de l’accaparement tantôt venant de l’Etat, des personnes physiques ou des sociétés. Cela ne peut pas continuer. Personne ne dit qu’un Etat ou une société ne doit pas avoir des terres. Si cela doit se faire, tout cela doit se faire dans le respect strict des lois et règlement de notre pays. Ce qui n’est pas souvent le cas. Et, les actes posés ressemblent fort à de la spoliation», a prévenu l’avocat.
Adama COULIBALY