Non-assistance à personne en danger, voilà ce que reproche la société civile sénégalaise à l’Etat du Sénégal, suite à la mort des détenus Cheikh Ndiaye et Babacar Mané, à la prison de Rebeuss. Y en a Marre, Nittu Deug, Fraap… ont tenu un point de presse, hier, au siège d’Amnesty à Dakar.
La responsabilité de l’Etat du Sénégal est engagée dans le décès des jeunes détenus Cheikh Ndiaye (18 ans) et Babacar Mané (19 ans), morts électrocutés dans la soirée du mardi 27 août 2019, vers 23 heures à la Maison d’arrêt de Rebeuss. La société civile, par la voie de Guy Marius Sagna de Frapp/France Dégage, n’est pas allée par quatre chemins : «C’est l’Etat du Sénégal qui les a tués (les détenus, Ndlr)». Guy Marius, qui semble vouloir mettre à nu les tares du système carcéral sénégalais accuse l’Etat de l’infraction de «non-assistance à personne en danger» dans des conditions de détentions exécrables. Car, à l’en croire, si les conditions de détention étaient meilleures, les victimes n’en paieraient pas de leur vie. C’était hier, lors d’un point de presse, au siège d’Amnesty International.
L’ex-pensionnaire de Rebeuss, récemment élargi, met non seulement à l’index la responsabilité de l’Etat dans les pertes en vies humaines dans la prison, mais considère que celui-ci ne dit pas la vérité sur la situation des prisons. Il en donne pour preuve la dernière sortie du ministre de la Justice, Malick Sall, qui, lors de la visite dans le bagne de Rebeuss avait laissé entendre que «les détenus ont applaudi dans la chambre 9». Mais selon Guy Marius Sagna et ses camarades, «le ministre de la Justice a travesti la vérité». «L’enfer des enfers, ce sont les chambres 9, 10, 41, 3, 4… C’est difficile de croire que ceux qui sont dans ces chambres applaudissent», dira-t-il.
Pire, poursuit l’activiste, «en disant cela, le ministre de la Justice a assassiné une deuxième fois les deux compatriotes, morts, il y a une semaine, le mercredi passé». Plus loin, il martèle que le ministre de la Justice a commis un tel crime en «disant des choses qui sont loin de la vérité, des choses qui sont loin de la réalité». Ce que déplore, par ailleurs, Guy Marius c’est la somme donnée aux familles des détenus morts. «C’est insulter les familles, la mémoire de nos concitoyens morts. C’est choquant», crache-t-il en décryptant que c’est «pour acheter le silence des familles parce que la responsabilité de l’Etat est flagrante et manifeste».
Guy Marius Sagna a saisi l’occasion pour déplorer l’absence de médecin généraliste et de psychiatre à la prison. Ce, pour prendre en charge ceux qui sont atteints de maladies mentales. Il a aussi fait en faveur des agents pénitentiaires en sous-effectif, débordés par la charge de travail. Par exemple, à la prison de Rebeuss qui se retrouve avec près de 3 000 détenus à la place de 600 prisonniers. Une situation, causée, selon la société civile, par les longues détentions préventives, le déficit de magistrats et d’avocats, la délivrance systématique de mandats de dépôt, la non construction de nouvelles prisons…
Emile DASYLVA