CONTRIBUTION
Comme il fallait s’y attendre, la meute de communicants de la présidence, secondée par les administrateurs des sociétés d’État, impliqués de près ou de loin dans le scandale du fer de la Falémé, est encore sortie de sa tanière pour tenter d’apporter vainement la réplique à Ousmane Sonko, étalant tristement du même coup tout leur cynisme et leur malhonnêteté. Dans toutes les tribunes qui leur sont offertes, ils s’époumonent pour essayer de justifier le forfait. Les voilà, les uns plus pathétiques que les autres, à tenter de brouiller les pistes dans un exercice de rhétorique lamentable.
En réalité, ils ne contredisent jamais Sonko, ils cherchent toujours à ergoter sur la justesse des montants qui nous passent sous le nez et le caractère sibyllin des contrats signés. Ce qui cache mal leur irritation de voir le pot aux roses enfin découvert et exposé au grand public.
Ils prennent l’ombre pour la proie, dans une tentative de diabolisation maladroite et infantilisante. Ils ne nient jamais les subterfuges de la subtilité du vol, mais se permettent de nous enfariner avec une focalisation sur l’ampleur minime du vol. Sans aucun doute, ils auraient emporté dans leur tombe toutes les informations sur les millions de tonnes de minerais exploitées et les milliards engrangés sur le dos du pauvre contribuable sénégalais si un homme politique véridique comme Sonko avait choisi la posture si simple, mais ô combien inconfortable du silence.
Depuis le temps que vous nous gardez dans une ignorance totale sur vos combines contractuelles avec les étrangers, ce n’est pas maintenant que vous pouvez nous convaincre de votre bonne foi.
Quel que soit le bout par lequel on analyse tous les scandales relatifs à la nébuleuse entourant la gestion de nos nombreuses ressources naturelles, le modus operandi est le même. Avec la complicité d’une administration gangrenée par la corruption et par l’encadrement de mécanismes juridiques les uns plus maléfiques que les autres, des contrats préjudiciables au peuple ont toujours été signés depuis que les nombreuses ressources minières, halieutiques et énergétiques sont exploitées au Sénégal. Un esprit épargné par les affres de la malhonnêteté intellectuelle comprendrait très mal qu’on tente de lui expliquer la persistance de la pauvreté dans un pays dont le sous-sol regorge de richesses de toutes sortes. C’est parce qu’une classe dirigeante égoïste, avec la légitimation de laudateurs et de flagorneurs, drapés du couvert d’intellectuels, cherche constamment à cacher la vérité aux populations sous des prétextes fallacieux.
On comprend aisément que chaque nouvelle révélation de Sonko crée une onde de choc accompagnée d’une levée de boucliers. Des intérêts se voient subitement menacés, des mensonges enfin mis à nu et des voleurs clairement identifiés.
La dernière sortie d’Abdou Latif Coulibaly reste la plus malheureuse. L’intellectuel que beaucoup de Sénégalais admiraient sous Wade, par la qualité de ses investigations journalistiques et ses prises de position guidées par l’intérêt du peuple, du moins c’est ce qu’on pensait, se voit aujourd’hui réduit à jouer les petits rôles. Tenter de défendre son bienfaiteur par tous les moyens, même avec les armes les moins conventionnelles. Quelle déchéance morale pour ce journaliste jadis très respecté !
En effet, établir une analogie entre le monstre des années 30-40 d’Europe et Ousmane Sonko, c’est tomber très bas dans l’argumentation. C’est toucher le point Godwin pour ainsi dire. Comment a-t-il pu se laisser convaincre qu’une comparaison entre la propagande nazie et la stratégie communicationnelle de Sonko pouvait avoir des points de ressemblance ? Comment a-t-il pu établir un rapprochement, même pour des raisons bassement politiciennes, entre un sanguinaire xénophobe, assassin de millions de personnes dans des conditions inhumaines, et un adversaire politique qui ne fait qu’étaler au grand jour leurs magouilles.
Ou bien il a besoin de refaire une mise à jour de ses connaissances historiques, ou bien il a complètement décidé de coucher sur ses principes et d’incarner le visage le plus sombre et le plus détestable de l’intellectuel. Celui-là même qui ne voit son engagement citoyen temporaire que sous le prisme d’une stratégie murement réfléchie de se faire un nom pour enfin se laisser pêcher par les filets du pouvoir et offrir ses services d’avocat du diable.
Si Abdou Latif Coulibaly s’était laissé guider par une once de bon sens et d’empathie, il aurait dû d’abord penser aux habitants de Sokone, sa localité d’origine. Ces malheureux, comme la majorité des Sénégalais, vivent dans une extrême pauvreté alors que des milliards s’évaporent dans la nature à leur insu. Il se trouve que ce fils de Sokone, plutôt que de les défendre pour que les milliards générés par nos ressources naturelles puissent permettre la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’industries pour l’emploi des jeunes, se donne comme mission de prendre le parti des voleurs à col blanc, les sangsues de la nation. Ceux-là dont les enfants fréquentent les plus grandes universités occidentales et se soignent dans les plus grands hôpitaux du monde aux dépens des Sokonois. Quelle triste métamorphose pour cet illustre journaliste d’antan !
À son prochain voyage à Sokone, dans le luxe de sa voiture de fonction, qu’il prenne le temps de croiser pendant quelques secondes le regard vide et empli d’espoir de ces centaines d’hommes et de femmes sur le bord des routes, courant dans tous les sens pour vendre leurs sacs de mangues et d’autres menus produits de toutes sortes aux passagers des voitures. Qu’il réfléchisse un moment dans le confort de sa voiture et du temps de méditation qu’offre le silence du voyage, sur le sort des millions de laissés-pour compte de la société, vivant toujours dans des cases en paille et dans un dénuement total. Ces braves Sénégalais qui ne verraient jamais la couleur de l’argent issu de l’exploitation de nos ressources naturelles si on laissait poursuivre les mauvaises pratiques de cette minorité que Latif tente aujourd’hui de défendre.
Ce que Latif Coulibaly doit se mettre dans la tête, c’est qu’Ousmane Sonko, à l’instar des nouveaux leaders politiques émergents, n’a nullement besoin de mettre sous hypnose le peuple. Son discours résonne et fait mouche auprès d’une nouvelle génération connectée et ouverte sur le monde. Ces «simples d’esprits», comme les qualifie avec tant de condescendance et de mépris l’ancien journaliste, ont soif de vérité et de transparence. Sur leur smartphones, ils sont capables, via la magie de l’internet, en un simple clic, de voir le niveau de développement des pays qui gèrent dans la transparence leurs ressources naturelles et partagent équitablement les profits qui en découlent. Ils se demandent ensuite comment l’élite dirigeante que Latif cherche à défendre a pu manquer autant d’humanité et d’empathie envers son peuple malgré tous les trésors enfouis sur notre sol et notre sous-sol. Voilà la comparaison qui vaille et qui devrait vous faire réfléchir, M. Coulibaly.
Ce qui énerve tous les profiteurs de nos ressources et continuera de les plonger dans les abysses de la colère, c’est que plus rien ne sera comme avant. Big brother les regarde dorénavant et surveille comme du lait sur le feu leurs penchants pathologiques à la corruption, à la cupidité et aux mensonges.
Lamine NIANG