Au coeur de l’actualité, suite à une brouille avec le Commissaire Bara Sangharé autour d’une ordonnance, Dr Cheikhouna Gaye, doctorant en pharmacie, incarne, par son refus de céder à la pression, le sens de la responsabilité bien que cela lui ait valu de frôler la cage prison. Nous avons tenté de lui ôter le masque pour davantage le faire connaitre.
Le courage de dire non. Voilà, en substance, le résumé de la personnalité de Cheikhouna Gaye, le pharmacien qui s’est voulu respectueux des règles de la santé. Pas de médicaments sans ordonnance, avait-il fait comprendre à son protagoniste. Bon nombre de Sénégalais, victimes d’abus de l’autorité, se sont reconnus dans sa personne. Cheikhouna Gaye se retrouve au-devant des médias, des réseaux sociaux avec une foule de sympathisants. Mais qui donc est ce pharmacien, qui, conduit de force hors de son lieu de travail, entraine dans sa chute le commissaire Bara Sangharé ?
Sous son collier de barbe, les yeux comme atteints de fatigue visuelle, l’air précoce sous ses 30 ans, Cheikhouna Gaye, pharmacien, voit son programme et ses journées, soudain bouleversés et son téléphone sonner sans cesse. La voix, comme haletante, même bégayante, il a l’air d’être posé bien qu’il soit en conflit avec un officier de police judiciaire. De la première génération, sous ses 30 ans, Cheikhouna est du genre calme, à entendre sa voix, reflet de la personnalité. Pourtant, c’est un colosse sur son mètre 90 et 90 kilos de muscles. Il aura fallu deux, puis trois autres «poulets» pour venir le chercher et aller le cuisiner.
En réalité, Dr Gaye est quelqu’un qui semble avoir pris conscience du sens de son métier. «La pharmacie est un métier noble. Au début, j’étais un peu réticent parce que ce n’était pas dans mes ambitions. Mais après, plus en profondeur, j’ai appris à l’aimer. Je ne l’ai pas regrettée. Elle est au début et à la fin de la chaîne de la santé de la population. Sans médicaments, rien ne marche. Sans la pharmacie, il n’y a pas de santé», dit-il comme possédé.
La témérité et le courage de dire non sont ce qu’il dégage à la vue de son opposition au non respect des principes. «Je tiens mon courage des Ngayennes. Tout le monde connait la famille ngayenne, de par leur courage. C’est également de ma famille, de mon éducation, de mon vécu et de ma formation du début à la fin, jusqu’à l’obtention de mon doctorat d’Etat en Pharmacie. J’ai acquis un certain nombre d’expériences qui m’ont permis d’avoir des points de vue clairs sur les choses», partage- t-il sous son profil Whatsapp qui représente Mame Cheikh Ibra Fall, une figure confrérique qui incarne l’endurance. «Je n’ai d’autres références que Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul», tranche-t-il. Non sans rappeler son passage à l’école coranique en tant que fils de mouride.
C’est une tête pleine qui se découvre derrière le comptoir aux médicaments. Un clin d’oeil dans le Cv de recherche montre que «c’est du lourd» avec une intrusion dans divers domaines de compétence qui partent de la botanique à la biophysique en passant par la biologie, la pharmacologie, la pharmacopée, la chimie, la toxicologie, l’immunologie, l’hématologie, la microbiologie, etc. Actuellement, chargé de recherche au Laboratoire de Chimie organique et thérapeutique de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie de l’Ucad, Département Pharmacie, Dr Cheikhouna Gaye, pharmacien qui opère comme pharmacien assistant à Fadilou Mbacké, aspire, par ailleurs, à décrocher son Phd en sciences pharmaceutiques. Il est aussi l’auteur de communications orales et écrites en tant que chercheur.
Entre excellence et déception
Au lycée de Pikine, il était un assidu des pelotons de tête. En Première, il caracole au rang des premiers. Il est, en effet, premier en classe de première série S2. Il reconduit l’exploit en classe de Terminale avant de décrocher son ticket pour l’Université de Dakar en 2010, loin de Pikine ou il a fait son primaire, son Bfem en 2007. Aujourd’hui, ses performances scolaires qui lui ont permis d’obtenir, à maintes reprises des préinscriptions, malgré l’impossibilité de ne pas pouvoir partir faute de moyens, laissent, en lui, le sentiment du devoir accompli. Cheikhouna Gaye, qui a décroché plus de trois préinscriptions, n’a pas pu aller effriter la neige au pays de Marianne, faute de bourse. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, plus récemment encore, il n’a pas pu aller à l’Université de Genève après avoir soutenu sa thèse de doctorat d’Etat en pharmacie. N’empêche, il ne se révolte pas et reste ferme sur les principes en attendant qu’il se positionne davantage dans l’orbite de la crème intellectuelle dans son domaine.
Ayant passé son enfance dans la banlieue, notamment à Pikine, quartier populaire où la rue, espace de règlements de comptes entre bambins, ne lui fait pas de cadeau, il apprend vite à devenir un dur, mais croyant et pratiquant. Cheikhouna Gaye est resté à l’écart de la flemmardise banlieusarde. Resté fidèle résident de ce microcosme, la religion occupe ses temps libres. «Mes seuls hobbies, c’est les khassaides. Je ne fais autre choses que les lire, faire les kourels, aller aux dahiras», détonne ce courageux coeur à prendre, partageant la vie en famille avec comme statut : ainé et soutien de famille. «Je partage tout ce que je gagne dans la vie avec ma famille», livre ce trentenaire, de parents originaire de la région de Kébémer.
Emile DASYLVA