Après 3 ans à la tête de la Maison d’arrêt de Rebeuss, l’inspecteur Agnès Ndiogoye est relevée de ses fonctions. Un limogeage à caractère punitif car la hiérarchie retient à son encontre plusieurs griefs.
Agnès Ndiogoye quitte la Maison d’arrêt de Rebeuss qu’elle commandait depuis juillet 2016. Première femme à diriger ce pénitencier, elle est remplacée par le Directeur du Camp pénal de Liberté 6 qui atterrit dans une prison qu’aucun régisseur n’a géré sans encombre. Selon des informations obtenues par WalfQuotidien, plusieurs raisons sont invoquées par la hiérarchie pour la relever de ses fonctions.
Affaire Khalifa Sall
D’abord, le cas Khalifa Sall. Il y a quelques jours en effet, des photos d’un ndogou privé ont été publié sur le site d’informations www.flagrantdelit.net. Dans les images, on voit Khalifa Sall assis sur une table bien garnie, entouré de la Directrice de Rebeuss, du Juge d’application des peines, de l’ancien directeur de l’administration devenu gouverneur du Palais, Colonel Daouda Diop, les chefs de chambres de Rebeuss ainsi que des cadres de l’Administration pénitentiaire. Pour la hiérarchie, la divulgation et la publication de ces images constitue une «négligence» et une «faute lourde et impardonnable». D’autant que ces photos remises à la presse violent la présomption d’innocence de ces détenus qui ne sont pas encore jugés. De plus, leurs familles ignoraient même qu’ils étaient en détention car ils avaient prétexté un voyage.
Mutinerie du 20 septembre
La sanglante mutinerie de Rebeuss du 20 septembre 2016 avait mis l’Administration dans une mauvaise posture. Ladite mutinerie a coûté la vie au jeune Ibrahima Mbow Fall, en détention provisoire à Rebeuss pour le délit de recel. Un mort non encore élucidé, malgré l’enquête ouverte à cet effet et les assurances du procureur lors de sa conférence de presse de mars 2017. Contre toute attente, l’ex-Directrice a été maintenue dans ses fonctions alors que ses prédécesseurs (inspecteurs Bâ, Loum et Diop) ont été relevés pour moins que cela. Mais cette fois, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ne l’a pas épargné.
Trois ans après, l’opinion n’est toujours pas édifiée de la suite réservée à la mutinerie qui a défrayé la chronique en 2016. Formellement identifié, l’auteur du coup mortel continue de circuler librement et en toute impunité, au grand dam de la famille de la victime qui continue de réclamer justice.
La cascade de décès enregistrés entre 2016 et 2019 constitue l’autre élément ayant précipité le départ de la première femme à diriger Rebeuss. Plusieurs détenus sont morts sous son règne. Le cas le plus célèbre est sans doute celui de Cheikh Maleyni Sané. Ce jeune arrêté à Baobab pour trafic de drogue est mort par «strangulation» à la chambre 9, dans la nuit du samedi 14 au dimanche 15 décembre 2013. Sa mort avait conduit à l’arrestation de 2 gardes pénitentiaires et de 3 détenus avec qui il partageait la même chambre. Trois ans après s’est tenu le procès. Les détenus qui l’ont tué sont condamnés à 10 ans par le tribunal de Dakar et les gardes mis hors de cause.
Cascade de décès entre 2016-2019
Récemment, il y a eu le décès d’El Hadji Ousmane Diop. Ce propriétaire de l’hôtel Hawaï à Nord-Foire a été arrêté en mars 2019, pour exploitation de jeunes filles (des sénégalaises et des étrangères) à des fins de prostitution clandestine. Condamné à 1 mois ferme, il est décédé en prison d’un Avc selon l’autopsie, quelques jours après condamnation.
Il y a le cas du vieux Diambè Diop, mort en 2014 à la chambre 1 «par suffocation du fait de la surpopulation carcérale», selon l’Asred. D’autres détenus initialement détenus à Rebeuss ont perdu la vie juste après leur transfèrement au Pavillon spécial, notamment : Kandé Traoré, Balla Basse, (18 février 2018), Billie, (février 2018), Nabi Rassoul (2015, à la chambre 45), Alassane Badji : (mort par malaise en 2014), le co-inculpé de Papis Konaré Préfet (2018), Gassama (en 2015), Yandé Diop, Mor Fall, Ibrahima Ndiaye, Ibrahima Diandy, Moustapha Dramé, Babacar Fall, entre autres.
La recrudescence des morts à Rebeuss, durant la période considérée, est alarmante. En 2015, le journal Enquête avait publié un article sur la «mortalité élevée à la Maison d’arrêt de Rebeuss». Selon des témoignages d’anciens détenus, tous les jours, un prisonnier meurt étouffé à cause du «Pakétasse». Selon le rapport officiel, 50 détenus décèdent chaque année dans les prisons sénégalaises.
Ces dix dernières années, aucun régisseur n’est parvenu à diriger ce pénitencier en paix. Avant Agnès Ndiogoye, son prédécesseur Mohamed Lamine Diop qui avait remplacé Emmanuel Salif Ngom a été perdu par l’affaire Karim Wade. La hiérarchie qui lui a reproché d’avoir violé le devoir de réserve auquel les fonctionnaires de l’Etat sont astreints l’a traduit en Conseil d’enquête. Il avait expliqué sur les réseaux sociaux comment Karim Wade a été exfiltré dans la nuit du 24 juin 2016. Auparavant, l’inspecteur Lamine Loum a également été relevé suite à la gestion peu satisfaisante d’un mouvement d’humeur des détenus.
Pape NDIAYE