Le pouvoir perd le contrôle. Dans un bras de fer de plus en plus à l’avantage de l’opposition, Macky Sall semble obligé de céder tout ou presque. Du lâchage de El Hadj Hamidou Kassé à la démission forcée d’Aliou Sall, le pouvoir donne tous les signes cliniques d’être dos au mur.
Les tenants du pouvoir, alliés de circonstances et ralliés de la dernière heure le disent sans conviction. Comme dans une symphonie mal synchronisée, ils vocifèrent, en effet, que cette affaire dite «Aliou Sall-Pétro-Tim» est un ballon de baudruche qu’une opposition «aigrie» et «revancharde» compte utiliser pour s’offrir dans la rue ce qu’elle n’a pu obtenir par les urnes : le second tour de la présidentielle. Et que, comme tout ballon de baudruche, celui-ci a vocation à dégonfler. Mais, les faits prouvent le contraire. Près d’un mois après l’éclatement de l’affaire, le ballon tient toujours : aucun changement dans la «gueule» des journaux qui ont toujours en «Une» cette sulfureuse affaire qui mêle politique, famille, business et mauvaises fréquentations. Pis, la pratique du Palais semble aller à rebrousse-poil du discours convenu des «amis» politiques. Chaque semaine, l’opposition est confortée dans sa détermination à demander plus et davantage à un pouvoir qui, dos au mur, lâche tout ou presque. L’élargissement de la composition du Cos-Petrogaz était une exigence. Récemment, en conseil des ministres, le président de la République annonce son ouverture à la société civile et, cerise sur le gâteau, à l’opposition. Alors que le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avait décrété qu’il n’y a «Rien à signaler» parce que, vue avec ses lunettes, l’affaire relève de la sphère privée, le tandem opposition-société civile accentue la pression et obtient du pouvoir trois choses : une adresse du président de la République et une déclaration de la porte-parole du gouvernement faites le même jour de la Korité suivies de la sortie du procureur de la République qui, dans la foulée, actionne la Division des investigations criminelles de la Police et la Section de recherches de la gendarmerie, le nec plus ultra en matière d’enquête pénale.
Alors que l’on se disait qu’il ne pouvait prétendre à plus, le tandem place haut la barre des réclamations. Une manifestation programmée est interdite par l’autorité administrative. Mais, c’était sans compter avec la détermination des manifestants qui, une semaine plus tard, réitèrent, avec succès, la même demande. Un monde fou répond à son appel. Il réclame, avec insistance, la démission d’Aliou Sall et obtient gain de cause. Ce dernier, alors qu’il avait déclaré, au tout de début de l’affaire, qu’il ne démissionnerait pas, a été contraint, hier, de se défaire de sa casquette de Directeur général de la Caisse de dépôts et consignations qu’il avait portée au prix d’un reniement de son frère qui avait juré qu’il ne bénéficierait pas de décret venant de lui tant qu’il serait président de la République. Quelques heures auparavant, il a été annoncé, dans la presse d’hier, le limogeage d’El Hadj Kassé, ministre-conseiller de la présidence de la République, coupable d’en avoir trop dit sur l’affaire. L’appétit venant en mangeant, c’est sur le palier supérieur qu’ils vont foncer : le président de la République, lui-même. Lors de la manifestation de vendredi dernier, d’aucuns ont poussé l’exigence loin, demandant ni plus ni moins que la démission de ce dernier.
Parallèlement, dans le cadre du dialogue national, l’opposition multiplie les succès sur ses demandes. C’est d’abord sur le profil des membres de la Commission cellulaire qu’ils sont rejoints par le gouvernement qui valide leur choix de personnalités neutres. Ensuite, ils sont satisfaits sur leur demande de délocalisation des travaux. Le seul point encore en désaccord reste le destinataire des conclusions. La majorité veut que ce soit le ministre de l’Intérieur, d’abord, alors que l’opposition qui ne peut voir Aly Ngouille Ndiaye en peinture veut que le pli soit directement posté à l’avenue Senghor. Dans ce contexte, il ne serait pas surprenant que cette exigence soit satisfaite.
L’un dans l’autre, tout se passe comme si le pouvoir, acculé et aux abois, est obligé de céder tout le terrain à une opposition ragaillardie par le documentaire de Bbc.
Ibrahima ANNE