Les travailleurs du rail se font un sang d’encre à propos de la « relance des activités de la société ferroviaire à l’arrêt depuis plus de 13 mois ». Des cheminots démoralisés, déçus, accablés, qui se disent convaincus que « ce n’est pas demain la veille que l’ex-Société nationale des chemins de fer retrouvera son lustre d’antan « parce qu’il y a toujours eu plus de paroles que d’actes de la part des autorités.
Le président de l’Intersyndicale des travailleurs de Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf), Mambaye Tounkara, reconnait que « le privé a montré ses limites. Après la privatisation de la société ferroviaire et à la signature de la résiliation du contrat de concession par les deux Etats concernés, il n’y avait que trois locomotives pour une entreprise qui en avait 18 auparavant, et un parc de ferrailles à hauteur de 6 milliards FCFA ». Selon lui, « tout cela a été dilapidé ». Il estime donc qu’« il est temps que les autorités se ressaisissent et prennent la décision de relancer les activités de DBF comme l’avait d’ailleurs promis le président de la République lors de la campagne électorale de février dernier. Macky Sall avait promis cette relance dès le mois d’avril, nous sommes en juin et il n’y a rien jusqu’à présent ».
Lors de la campagne électorale pour la dernière présidentielle, pour assurer un accueil triomphal au président candidat à sa réélection, Macky Sall, dans la cité du rail, les responsables de la majorité présidentielle avaient sorti les grands moyens et battu le rappel des troupes. Ils devaient impérativement relever le défi de la mobilisation surtout après la marée humaine qui avait accueilli son principal challenger, M. Idrissa Seck, au premier jour de la campagne électorale, Idrissa Seck. Audelà des appels à la mobilisation des différentes composantes de la coalition Benno Bokk Yakaar, l’Administrateur général de la société de chemin de fer « DakarBamako Ferroviaire », M. Kibily Touré, avait aussi été mis à contribution pour « amadouer » les cheminots et leurs familles. L’astuce avait consisté à leur faire miroiter l’arrivée dans moins de trois mois d’une flotte de 12 locomotives pour relancer l’activité sur le corridor Dakar-Bamako. Et pour mieux ferrer la grande famille du Rail, l’Administrateur de Dbf s’était adjoint les services d’une délégation de la société sud-africaine de gestion de locomotives « Traxtion » qui gérerait un parc de plus 900 locomotives à travers le monde.
Des promesses d’achat ou de location de locomotives non tenues
A ces Sud-africains il avait proposé, en lieu et place de l’achat d’une locomotive à 15 milliards de FCFA, une offre de location avec maintenance et entretien assortie d’une option de rachat au bout de trois ans, si la situation financière le permet. Laquelle offre devait porter sur la mise à disposition d’une flotte de 12 locomotives pour Dbf. « Nous allons acquérir les premières locomotives dans 2 mois et demi (Ndlr, Avril dernier) dès que les Etats donneront leur autorisation de signature pour ce contrat qui, du point de vue financier, est largement plus à la portée de nos moyens que d’acheter des locomotives. Si nous parvenons avec l’accord des Etats à valider cette offre, nous pensons qu’avec les 12 locomotives qui seront livrées dans le temps, nous serons en mesure de régler la problématique de la locomotion. Et donc il nous restera à gérer celle de la voie ». Et même à ce dernier niveau, l’espoir était permis selon M. Touré. A l’en croire, les missions techniques d’opérations envoyées sur le terrain, c’est-à-dire sur la voie de Dakar à Tambacounda, faisaient état d’un seul point critique au niveau de Koussanar dans le département de Tambacounda. Un problème que, selon l’Administrateur, Dbf pouvait résoudre dans les meilleurs délais pour permettre à la société ferroviaire d’être opérationnelle sur l’axe Dakar-Tambacounda. Il faut dire toutefois que la mission d’inspection s’était arrêtée en gare de Tambacounda, faute de voie praticable pouvant permettre aux locomotives d’entrer en terre malienne.
Une misère collective née d’un chapelet de promesses non tenues
Aujourd’hui, combien sont-ils, ces cheminots qui, croupissant dans la misère du fait d’un chapelet de promesses non tenues, continuent de réclamer des « mois d’arriérés de salaires, une bonne situation sociale et économique, une revalorisation du travailleur ». Des travailleurs qui font état de leurs inquiétudes par rapport à « l’avenir » de l’entreprise qui est dans une situation « catastrophique et à l’arrêt depuis plusieurs mois. Des cheminots confrontés aussi à des retards de salaires, de sérieuses difficultés de prise en charge médicale, de gestion du personnel, de non-versement des cotisations sociales entre autres difficultés. Selon eux, « Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf) est encore loin d’être sur les rails de l’émergence parce que la relance du Chemin de fer pose problème ». Déplorant un outil de travail moribond, ils reprochent à l’Etat d’avoir manifesté un manque de volonté dans le cadre du processus de relance de leur entreprise. Ils ne comprennent donc pas que cet Etat ait débloqué des centaines de milliards de FCFA pour le projet du Train Express Régional (TER) tout en refusant des miettes à Dakar-Bamako-Ferroviaire qui n’a pourtant besoin que de 50 milliards de FCFA pour se remettre sur les rails.
Le président de la Confédération générale des travailleurs de France, David Gobé, porte-voix des cheminots du monde, président de la section cheminote de la Fédération internationale des ouvriers du transport, en visite récemment à Thiès, avait dénoncé « la très mauvaise politique ferroviaire des Etats malien et sénégalais ». Il avait aussi fustigé « le dégât du libéralisme ferroviaire poussé à son paroxysme, c’est-à-dire, à l’anéantissement total de la ligne du chemin de fer ». Une ligne pourtant « vitale pour l’économie des deux pays. Elle est un patrimoine et est à la fois symbole d’un passé colonial, mais aussi symbole de votre indépendance à travers la grève des cheminots de 46. Cette ligne doit rouvrir entièrement et rapidement parce que c’est un apport social et économique et nous pensons qu’elle apportera la paix au Mali ». Aux autorités maliennes et sénégalaises, M. David Gobé conseille « d’arrêter d’être influencées par certains lobbys et certaines idéologies. On ne va pas se cacher la face, c’est l’idéologie libérale ». En tout état de cause, la nomination d’un fils de cheminot, le maire de Koungheul, Mayacine Camara, comme nouveau secrétaire d’état auprès du ministre des Infrastructures chargé du Réseau ferroviaire à la place d’un ministre chargé du Développement du Réseau ferroviaire, n’a jusqu’ici encore suscité aucun espoir chez les cheminots de Dakar-Bamako ferroviaire (Dbf).
Le Temoin