CONTRIBUTION
Dans la langue de William Shakespeare, un vieux dicton nous enseigne : «Have a loaf is better than no bread» (c’est-à-dire «un tien vaut mieux que deux tu auras»). Ainsi, de 1 en mai 2016, puis de 2 qui se profile ce 28 mai 2019, le président Macky Sall veut faire croire à son peuple spectateur que le vrai dialogue sincère aura bel et bien lieu selon les désidérata de sa moribonde météo de gouvernance politique. Il est vrai que le titre du livre : « La guerre de Troie n’aura pas lieu» ne reflétait pas l’issue du récit, car cette guerre a eu bel et bien lieu lorsque les rideaux de fer étaient tombés. Le dialogue reste l’âme de la démocratie à condition que cela soit inclusif et avec des termes de référence validés par l’ensemble des parties prenantes. Sauf que la particularité de ce dialogue voulu, initié et imposé par Macky Sall et son clan ou gang de postiches n’est rien d’autre qu’une énième duperie pour valider ou faire passer leurs intentions cachées pour encore donner un dernier coup de poignard à notre démocratie déjà agonisante. A cet effet, Macky Sall veut tout simplement, à travers ce dialogue, faire valider son intention de reporter les élections locales et prolonger le mandat des députés jusqu’en 2024. Pour corroborer cela, le patron de la majorité à l’Assemblée, Aymirou Nguingue, vient d’annoncer il y a moins de 48 heures qu’il est pour le report des locales pour 2020, après un premier report de juin 2019 à décembre 2019.
Par ailleurs, concernant le mandat des députés, le président Macky Sall sait très bien qu’il y a un fort risque de cohabitation en 2022 après sa vraie fausse victoire aux présidentielles de 2019. Ce qui l’a poussé, par subterfuge, à supprimer le poste de Premier ministre, avec à la clé 22 articles de notre constitution modifiés avec, entre autres, un article qui stipule que le président de la République ne peut plus dissoudre l’Assemblée nationale. Cela veut dire d’une part, si Macky Sall maintient le calendrier républicain actuel des députés, en 2022, une cohabitation risque de compromettre le vote de ses lois les plus scélérates et les plus anticonstitutionnelles pour mener sa politique contre-productive pour notre économie, nos institutions et notre démocratie. Donc prolonger le mandat des députés pour 2024 serait un filet de sécurité pour disposer des pleins pouvoirs déjà renforcés par sa récente modification de la constitution. Cette énième modification de notre constitution lui confère, de facto, le titre de chef de la majorité à l’Assemblée nationale car il n’existe plus de Premier ministre responsable devant le Parlement.
D’autre part, s’il prolonge le mandat de sa majorité jusqu’en 2024, cela impliquerait, même s’il est battu en février 2024, qu’il aura toujours sa majorité à l’Assemblée nationale parce que le nouveau président ne pourra pas dissoudre l’Assemblée nationale et cela jusqu’à renouvellement des députés en juin 2024.Il va sans dire que le nouveau président qui sera élu en février 2024 ne pourra pas disposer de ses pleines prérogatives au plan législatif pour poser les premiers jalons de sa politique avant les législatives de 2024.
Voilà le projet funeste, l’idée noire qui se cache derrière ce semblant dialogue de camouflage qui risque encore de noyer l’opposition non avertie dans la mare de leur naïveté à couper le souffle du peuple qui n’arrive plus à se reconnaître dans cette opposition sectaire et de faux amis. D’où mon ancrage sans faille sur la position du Pds et des Khalifistes, à travers leurs derniers communiqués dont celui du secrétaire général national du Pds, de ne participer à ce dialogue que lorsque toutes nos exigences préalables seront satisfaites. Et puis n’oublions pas que, quels que soient les résultats ou conclusions issus de ce dialogue, Macky Sall aura toujours le dernier mot pour valider, rejeter ou modifier ce travail de conclave et les stigmates des syndromes du premier dialogue de 2016 et des travaux de la Cnri sont restés frais dans notre mémoire collective, où le président Macky Sall avait tranché en faveur de ce qui était pour son intérêt personnel et l’arrangeait exclusivement, mais non pas de ce qui renforce notre démocratie déjà craquelée à tous les étages depuis 2012.
Tous ceux qui se bousculent au portillon du dialogue piégé de Macky Sall, sans régler les conditions préalables, doivent se rendre compte qu’ils rendent service, par complicité, aux initiateurs de ce grand cirque subitement annoncé au lendemain du plus grand «meurtre» électoral que le Sénégal ait jamais connu depuis 1960. Car il est important de noter qu’on n’a jamais vu un meurtrier enquêter sur l’objet de ses propres meurtres qu’ailleurs dans les films.
Dr Mamadou SECK
Cadre libéral-Paris