CHRONIQUE DE WATHIE
L’enfant laissé seul dans une chambre avec une boite d’allumette et une bouteille d’essence, ne peut être tenu pour responsable de l’incendie qui pourrait en découler. Et c’est doublement se déresponsabiliser que de le lui imputer. Les catastrophes qui se multiplient sont le résultat des actes qu’ensemble nous posons. La pente que prend notre société est pernicieuse. C’est la crétinisation générale. Le Couvercle est préféré au Contenu. Artistes et autres lutteurs ne sont plus que des stars, ce sont les références. Le savoir traduit en carton, les intellectuels passent derrière les rideaux ; le mérite se ride et les vertueux s’enlisent.
Ce n’est point le corporatisme qui explique la réaction, parfois épidermique, de certains journalistes mécontents de la garde à vue d’Adja Astou. Beaucoup la défendent parce que ses limites sont aussi les leurs. Car, en vérité, cette Astou est indéfendable. On ne peut pas, à plus forte raison sur un plateau de télévision, exprimer tout ce qui traverse l’esprit, même magnifiquement maquillé. Sinon que les écoles de journalisme soient fermées. Les propos qu’elle a tenus de manière aussi décontractée que déconcertante sont gravement offensants, scandaleusement éhontés. Des Etats ont guerroyé pour moins que cela. C’est sa détention injustifiée qui explique sans doute l’élan d’empathie qui s’en est suivi. Il faut le dire, après avoir accepté qu’elle a lourdement fauté, sa garde à vue est une hérésie. Car, en définitive, la seule question qui vaille d’être posée c’est : qu’est-ce qu’elle faisait là, sur le plateau, à donner des cours.
Dans cette affaire, c’est la chaîne de télé qui est plus à blâmer que la mise en cause elle-même. S’il devrait y avoir sanctions, c’est à la 7Tv qu’il faudrait l’infliger. Une tâche dévolue au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) et non à la police ou à la gendarmerie. C’est l’organe de presse qui est responsable de ses présentateurs. Et à ce sujet, il faut également le dire, au Sénégal, la beauté et les formes généreuses sont devenues les critères de sélection des présentatrices. Les télévisions n’organisent-elles pas des castings au sortir desquels les filles moins belles mais beaucoup plus intelligentes sont laissées en rade ? Séries et émissions sont transformées en défilés de mode mettant en scène des filles effilées roulant les R et diablement belles. De leur bouche émanent toutes sortes d’inepties. Certains diront que la télévision n’a pas grand-chose à voir avec ces déviances. Que Penda BA n’a pas eu besoin d’un plateau pour secouer tout le pays mais juste de sa langue pendue. Certes, toutefois, c’est ne pas prendre en considération la transformation de la société sénégalaise et la contribution fondamentale des chaînes de télévision. Cet amour du matériel, que l’on a fini d’inculquer aux populations, c’est à travers un engrenage diaboliquement subtil dont la plus visible représentation demeure téléfilms, télé-novelas et autres émissions. Les esprits sont de plus en plus pourris par l’individualisme et le matérialisme. Le producteur qui cherche à exalter le courage, l’honneur, l’intégrité etc. à travers ses œuvres, est laissé en rade au profit de celui-là qui expose les faits d’arme malheureux de la maitresse de l’homme marié. Les barrières idéologiques, comportementales entre l’Occident et notre société basculent progressivement. Avec comme corolaire, l’importation des pratiques les plus répugnantes. Ainsi, la parole est libérée, les fondements bafoués, les tentations décuplées. Tout cela est exacerbé par l’illettrisme et la pauvreté qui caractérisent notre société où les analphabètes majoritaires n’ont rien à envier aux instruits complexés.
Le président SALL avait dit, concernant l’homosexualité et son éventuelle dépénalisation, que « ce sont des questions qu’il faut laisser à la société. Elle régulera en fonction de l’évolution des mentalités ». Il semble que le processus est lancé.
Mame Birame WATHIE