Le débat sur le retour de la peine de mort divise les religieux au Sénégal. Des confréries sont favorables à son retour, mais l’Eglise vote Non. Un troisième est appelé à trancher : l’Etat du Sénégal.
Le meurtre de la dame Binta Camara à Tambacounda supposé commis par le proche de son père, Alioune Badara Fall, a fait surgir le débat sur le retour de la peine de mort. Chaque Sénégalais et chaque organisation a donné sa position sur les peines que doivent subir des personnes qui commettent des meurtres. Mais ce qui est frappant dans ces réactions, ce sont celles émanant des religieux. Le Khalife général de la confrérie mouride, très touché par la recrudescence des meurtres crapuleux au Sénégal, a clamé haut et fort le retour de cette peine capitale qui, ditil, va dissuader les criminels. Son porte-parole a fait une conférence de presse non seulement pour s’offusquer de ces tueries barbares, mais de revoir la loi sur les assassinats volontaires. Son porte-parole, Serigne Bass Abdou Khadre, qui a animé une conférence de presse dans ce sens, a rappelé les préceptes de l’Islam à travers les enseignements du Coran. Il prône l’application de la Charia. «Celui qui tue une personne avec préméditation, est immédiatement soumis à la peine capitale et l’enfer sera sa dernière et éternelle demeure.», dit-il avant de conclure en se référant à la Charia : «Dieu dit que celui qui tue une personne semble avoir tué toute l’humanité et subira une sanction égale à la gravité de l’acte vu sous cet angle».
D’autres familles religieuses suivent aussi Touba. C’est le cas de Léona Niassène. Le porte-parole de cette famille, Serigne Ahmed Babacar Niass, a indiqué que seule la peine mort peut freiner l’ardeur des meurtriers. «Il faut un retour au principe de l’islam et appliquer la Charia. Cela est très clair. Celui qui tue une personne, il faut le tuer». Même Ndiassane est pour l’application de la peine capitale au Sénégal. Sur les ondes de la radio privée iRadio, Serigne Bou Khalifa Kounta, porte-parole du khalife de Ndiassane, indique que le Sénégal doit maintenant revoir ses textes pour l’application de la loi du talion. «Il faut appliquer la Charia tout simplement. Celui qui casse le bras d’une personne doit subir le même sort».
Avant ces foyers religieux, des organisations islamiques se sont prononcées sur cette question du retour de la peine de mort au Sénégal.
L’Ong Jamra a invité même le peuple à trancher. «Face à la compréhensible hantise sécuritaire des populations, notamment celles qui n’ont pas les moyens de se doter d’une sécurité privée, l’Organisation islamique Jamra et l’Ong Darul KhourannWal Hikhsann invitent le chef de l’État, en sa qualité de garant de la sécurité de tous, à convoquer d’urgence un Conseil présidentiel spécial sur la question, en le faisant assortir d’une consultation référendaire (couplée aux élections locales de décembre 2019) pour donner démocratiquement l’opportunité aux populations angoissées de se prononcer sur rétablissement de la peine capitale», selon un communiqué de Jamra rendu public.
Seulement, il faut souligner que l’Eglise n’est pas pour le retour de la peine de mort dans l’arsenal juridique du Sénégal. L’archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye qui recevait une délégation du Haut conseil du dialogue social, a certes, condamné les actes criminels mais rejette la peine de mort: «Je voudrais rappeler que, dans la Bible, quand Dieu dit ‘’tu ne tueras pas’’, ça s’adresse à tout le monde. Ce n’est pas en supprimant le meurtrier qu’on va faire revenir cette vie mais que la société se donne les moyens pour éradiquer de son sein toute violence parce que tuer, dans tous les cas, c’est un geste de violence». Et dans son message de «joyeux Noël» aux fidèles chrétiens, il estime que «son application effective au-delà de la sanction pénale, diminue la chance de conversion pour le meurtrier luimême qui doit assumer sa responsabilité. «Ne devons-nous pas alors nous convaincre qu’une culture pour la vie, est préférable à une culture pour la mort».
La peine de mort a été appliquée pour la première fois en 1967 contre la personne qui a voulu attenter à la vie du président Léopold Sédar Senghor lors de la prière de Tabaski.
Mamadou GACKO