Les populations de l’arrondissement de Saldé, dans l’Ile à Morphil, n’en croient pas leurs yeux. Elles qui, depuis l’indépendance, ont vu leur zone coupée du reste du pays.
Quitter cet îlot pour se rendre tout juste à Pété sur la Nationale, à une dizaine de kilomètres, relevait d’un parcours du combattant. En saison pluvieuse, les insulaires étaient obligés de faire un long détour par Toufndé Gandé. Alors, bonjour les dégâts lorsqu’il s’agit d’évacuations sanitaires. Beaucoup de malades y ont perdu leur vie ou vu leur mal s’aggraver. Ce, faute de route digne de ce nom. Des années de calvaire qui ne seront plus, désormais, qu’un mauvais souvenir.
L’arrondissement vient, en effet, d’étrenner une route goudronnée. Un soulagement que certains notables ne sont pas près d’oublier et le font savoir. Pour eux, cette réalisation représente un énorme effort du gouvernement. Ils estiment que c’est comme si les populations de l’île à Morphil venaient de sortir d’un trou dans lequel ils étaient confinés depuis des décennies. Ce notable du village de Barobé Diackel se croit toujours dans un rêve. «Il m’est difficile d’intégrer qu’il y a bien une route goudronnée ici», confie le sage. Qui estime que le voeu de désenclavement est aussi vieux que le Sénégal indépendant. «Nous avions presque perdu espoir. Pour nous, c’était fini», déclare-t-il. B. Ndiaye de Saldé-Tébégout n’a pas oublié les nombreuses pertes en vies humaines enregistrées ces dernières années.
Une situation liée, selon lui, aux conditions de vie difficiles des populations. «Nous perdions une journée sur la distance Pété- Saldé qui ne fait même pas plus de dix kilomètres», rappelle-t-il. Poursuivant, il renseigne qu’auparavant, pour rallier le Diéri, il fallait utiliser un bac attaché à des cordes que tiraient des solides gaillards.
«A l’accession du Président Wade au pouvoir, vers les années 2006-2007, nous avons bénéficié d’un pont. Mais, nous étions toujours confrontés à des difficultés entre Ngouye et Saldé. C’était périlleux de traverser le radier submersible en période de saison des pluies. Une fois celle-ci installée, nous étions coupés du reste du monde. Tout cela est, aujourd’hui, devenu un mauvais souvenir. Pour se rendre à Pété, cinq minutes suffisent», se réjouit le vieil homme davantage satisfait par le fait que les populations de la localité n’auront plus de problèmes d’évacuation de leurs proches malades. Il y a aussi le règlement des problèmes liés à l’écoulement de la production agricole de la zone.
La route goudronnée acquise, les insulaires demandent des mesures d’accompagnement. «Il nous faut, par exemple, des unités de transformation de nos produits locaux. Nous avons aussi besoin d’unités de conservation de ces produits. Des centres de formation professionnelle sont aussi nécessaires pour les insulaires que nous sommes. Car pour maintenir nos jeunes ici, il nous faudrait les former afin qu’ils puissent prendre leur propre destin en main», a-t-il plaidé.
Abou KANE