L’affaire des faux médicaments saisis à Touba Belel refait surface. Ce dossier qui a été évoqué, hier, à la Cour d’appel de Thiès a pris une nouvelle tournure. Il a été constaté qu’aucun document attestant la libération par grâce présidentielle d’Amadou Woury Diallo n’a été versé dans le dossier.
La grâce présidentielle accordée à Amadou Woury Diallo, condamné à 5 ans de prison ferme pour trafic de faux médicaments, contrebande, entre autres, n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Et pour cause le procès du jeune Guinéen et son acolyte, Bara Sylla, qui avaient interjeté appel et devant se présenter, hier, devant la Cour d’appel de Thiès n’a pas eu lieu. Il a été renvoyé jusqu’au 27 mai prochain. Parce qu’il n’y a aucun document qui atteste qu’Amadou Woury Diallo a bénéficié d’une grâce présidentielle. Un constat qui a surpris plus d’un et a mis Me Abdoulaye Babou, avocat du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, dans tous ses états. «Le 4 décembre 2018, Bara Sylla et Amadou Woury Diallo ont été condamnés respectivement à 7 ans et 5 ans d’emprisonnement ferme pour trafic de faux médicaments, contrebande, etc. Tous les deux avaient interjeté appel. Donc, aujourd’hui, 13 mai (hier, Ndlr), c’était la date d’audience à la Cour d’appel de Thiès. Mais, à notre grande surprise, le Président a constaté qu’Amadou Woury Diallo était absent. Après avoir appelé deux fois ce dernier sans réponse, il s’est demandé ce qui s’est passé. Parce qu’aucun document n’atteste la grâce d’Amadou Woury Diallo», raconte Me Abdoulaye Babou, joint au téléphone par WalfQuotidien. Qui dit ne rien comprendre. Parce que, rappelle Me Babou, même un prisonnier qui est condamné régulièrement et qui a fini de purger sa peine, doit avoir un document qui montre qu’il est élargi. «On lui donne une attestation», précise-t-il. Par conséquent, Amadou Woury Diallo ne bénéficie, de son avis, d’aucune grâce présidentielle pour l’instant. Selon lui, aucun document de la Cour ne prouve l’existence de sa grâce. D’où une stupéfaction totale pour le président de la Cour et les avocats de la partie civile. Ce qui a motivé, d’ailleurs dit-il, le renvoi du procès jusqu’au 27 mai prochain pour vérification de la situation carcérale d’Amadou Woury Diallo.
«C’est une affaire qui est unique dans l’agenda judicaire du Sénégal. On n’a jamais vu ça. Premièrement, le jeune guinéen ne remplit même pas les conditions requises pour bénéficier d’une grâce. Deuxièmement même s’il remplissait les conditions de grâce, il y a des crimes et des délits qui sont exclus de la grâce. C’est le cas des viols, des drogues et du trafic des faux médicaments. Mieux, aujourd’hui, même s’il hume l’air de la liberté, il devait laisser des traces», lance Me Babou.
Pour lui, il y a une main maligne qui a fait qu’Amadou Woury Diallo s’est retrouvé, actuellement en Guinée Conakry. Comprenne qui pourra.
Questions sans réponses
Pour Me Abdoulaye Babou, même si on donne au président de la Cour un document qui montre que le jeune homme aurait bénéficié d’une grâce, cela ne va rien changer aux débats pour le 27 mai prochain. Car, sa condamnation est de 5 ans et pour bénéficier d’une grâce, le jeune guinéen devait soit renoncer à une voie de recours ou avoir une décision qui remet en cause l’autorité de la chose jugée. Or, ce n’est pas son cas. Suffisant pour que Me Babou se fasse sa religion. «Je l’ai toujours dit et répété. C’est une affaire de gros sous. Il ne faut pas oublier que les deux camions qui avaient été saisis avaient une valeur de 1 milliard 350 millions de F Cfa de faux médicaments. J’ai toujours dit encore qu’Amadou Woury Diallo et Bara Sylla n’étaient que la face visible de l’iceberg. Qui dans ce pays peut réunir 1 milliard 350 millions de F Cfa ? Ce sont de gros bonnets qui sont derrière ces gens et ce dossier. Il y a de gros intérêts, une mafia autour du trafic de faux médicaments. La preuve est là, aujourd’hui», martèle Me Babou.
Surpris, le président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal l’est aussi. «Si on se permet d’encourager des actes de ce genre, nous nous posons la question de savoir ce qui est recherché derrière tout ça. Nous ne savons plus comment qualifier ce geste. Nous ne comprenons plus. Quel est l’intérêt à gracier un trafiquant de faux médicaments qui a été déjà condamné ? Ce, d’autant plus que c’est un ressortissant qui est venu au Sénégal pour semer le désordre. On ne devrait pas en arriver là, aujourd’hui», s’alarme Dr Amath Niang.
Samba BARRY