Sans forcément le vouloir, Robert Sagna se trouve sur la même longueur d’onde que les transporteurs qui s’insurgent contre l’arrêté interdisant le transport de la noix d’anacarde par la voie terrestre. Pour l’ancien ministre socialiste de l’Agriculture, cette mesure pourrait à la longue rendre moins compétitive la filière et appauvrir les producteurs.
(Correspondance) – L’arrêté ministériel imposant le transport des noix d’anacarde exclusivement par la voie fluviale n’agrée pas tout le monde. Au contraire, des voix divergentes commencent à se faire entendre. La dernière en date est celle de Robert Sagna qui s’apitoie sur le sort des paysans. «On leur achète le kilogramme entre 300 et 400 francs. Ce qui fait qu’ils sont désemparés », dit-il. L’explication de cette offre financière qui frise la mendicité pour des gens qui travaillent comme des forcenés se trouverait dans l’arrêté du ministre du Commerce qui met une croix sur le transport du produit par la route. «L’arrêté oblige les exportateurs à passer obligatoirement par le port de Ziguinchor. Or, ce port est un port fluvial avec une profondeur n’atteignant pas 15 mètres malgré le dragage du fleuve Casamance. Ce qui n’est pas suffisant pour amener des navires qui ont un tirant d’eau qui nécessite une profondeur de quinze à trente mètres », fait remarquer le ministre d’Etat qui n’agrée pas le schéma imposé par conséquent aux opérateurs. «Du coup, les camions transportent les noix jusqu’au port de Ziguinchor. La marchandise est déchargée pour être chargée dans un bateau qui fait un long trajet avant d’arriver au port de Dakar. Là aussi, il faut décharger pour recharger le produit dans un navire beaucoup plus grand», ajoute-t-il. Une gymnastique qui entraîne forcément un surcoût qui impacte le prix au producteur, commente Robert Sagna. L’ex-édile de la capitale du sud regrette cet état de fait «qui fait qu’on ne peut pas être compétitif par rapport au cours mondial même s’il est vrai qu’avec cette mesure, le port de Ziguinchor reprend de l’activité, les dockers voient leurs revenus augmenter, la Chambre de commerce se frotte les mains avec les taxes qu’elle collecte ».
Seulement, tout cela ne va pas dans la poche du producteur, fait remarquer Robert Sagna qui conseille en ces termes : «Si l’Etat veut garder le statu quo, il sera obligé de subventionner la noix de cajou. Dans le cas contraire, il faut laisser les opérateurs continuer à charger au port de Banjul qui est un port maritime avec un tirant d’eau capable d’accueillir de grands porte-conteneurs». Sinon, «on crée les conditions pour faire fuir les investisseurs comme c’est le cas cette année», avertit l’ancien maire qui révèle que «les tournées que j’effectue m’ont amené à comprendre le désarroi des producteurs. Et si la situation continue, la filière anacarde n’aura aucune chance de prospérer. Il faut revenir à une situation économiquement acceptable. Je ne vois pas pourquoi on doit demander à l’Etat de subventionner s’il y a d’autres solutions qui permettent d’enrichir le paysan», conclue Robert Sagna
Par ailleurs, l’ancien maire de Ziguinchor a manifesté son inquiétude par rapport à la présente campagne arachidière à Ziguinchor. Une inquiétude qui trouve sa justification dans la faiblesse du taux de collecte dans cette partie sud du pays. La quantité collectée par l’usine de la Sonacos est l’illustration la plus parfaite de cet état de fait. Sur une capacité de 120 mille tonnes, seuls 22 mille tonnes ont été collectés à ce jour. Un rapport ahurissant pour une localité qui avait l’habitude de collecter cette quantité en une semaine seulement, à en croire Robert Sagna. Qui se dit scandalisé. Surtout que cette année, les camions qui avaient l’habitude de stationner aux alentours de l’usine ont disparu du décor. Et comme tous les camions sont partis ailleurs, M. Sagna ne croit pas à la possibilité d’atteindre la barre des 35 mille tonnes à la fin de la campagne.
Mamadou Papo MANE