Sa persistance dans la trajectoire indépendantiste irrite l’opinion à Ziguinchor. Au lendemain de l’assemblée générale qu’il a lui-même convoquée sans y prendre part, des voix s’élèvent pour s’offusquer contre l’attitude va-t-en guerre de Salif Sadio et de ses hommes.
«Salif Sadio nous pompe l’air». Il ne s’agit pas là simplement d’un sentiment exprimé par un chef religieux au lendemain de l’assemblée générale convoquée par le seigneur de guerre à Koundjougor. Mais c’est aussi et surtout l’opinion de la plupart des Ziguinchorois interrogés sur les propos belliqueux prononcés par les lieutenants de celui qui se considère comme le patron des forces combattantes du mouvement rebelle casamançais. Choqués, beaucoup de gens l’ont été. Car, même si l’opinion ne s’attendait pas à grand-chose de cette assemblée générale, elle a été irritée par la réaffirmation de l’idéal indépendantiste des membres d’un groupe qui se fait appeler Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). La première fausse note de cette assise aura certainement été le faux bond de Salif Sadio.
«C’est quelqu’un qui a toujours vécu déconnecté de la réalité»
Alors que tout le monde l’attendait, il envoie cinq de ses lieutenants dont la mission a été de brandir la menace de reprise des hostilités en cas d’exploitation des richesses de la région sud, d’attaquer le Grpc et son président, Robert Sagna et de réaffirmer la détermination de leur guide à conduire la Casamance à l’indépendance. «Je savais qu’il n’allait pas venir. C’est quelqu’un qui a toujours vécu caché, déconnecté de la réalité», commente un enseignant. Les émissaires du leader autoproclamé du mouvement irrédentiste de Casamance ont certes reconnu des avancées dans le processus de paix. Cela, depuis l’ouverture des négociations entre leur groupe et le gouvernement à Rome, sous l’égide de la communauté Saint Egidio, mais, ils restent clairs : «l’indépendance de la Casamance est inaliénable, incompressible… ».
Les notes de cette «chanson» bien connue qui a traversé le temps…du Mfdc semblent sortir de gamme aux yeux de l’opinion. «Ne fallait-il pas faire l’économie d’une telle rencontre si c’est pour parler d’indépendance de la Casamance ?», se demande-t-on. «Un simple communiqué, comme d’habitude, aurait suffi pour nous apprendre ce que l’on sait déjà, plutôt que de faire tout un tintamarre autour d’une assemblée générale convoquée par Salif Sadio comme si quelque chose d’important allait se passer», conseille un expatrié en vacances et qui se demande même de quel droit ce monsieur se permet-il de parler au nom de la Casamance. «De qui Salif Sadio tire-t-il sa légitimité au point de continuer à vouloir nous entrainer dans son aventure personnelle et de s’opposer à l’exploitation des richesses qui appartiennent à toute la Casamance ?», s’interroge un membre du groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc). Qui poursuit ; «il n’a aucun mandat électif. Personne ne l’a envoyé. Il a le droit d’avoir ses opinions, mais, il n’a pas le droit d’utiliser les armes pour les imposer aux autres Casamançais».
«De qui Salif Sadio tire-t-il sa légitimité au point de s’opposer à l’exploitation des richesses qui appartiennent à toute la Casamance ?»
D’ailleurs, notre interlocuteur pense que Salif Sadio a tout faux lorsqu’il accuse le Grpc de travailler contre l’indépendance de la Casamance. «Ce n’est pas notre rôle. Notre rôle, c’est de prêcher la paix, d’aider à la création des conditions d’un dialogue pour le retour de la paix, mais aussi, de s’opposer à l’utilisation des armes contre les populations civiles».
Déjà, sur le terrain, «les choses bougent. Depuis des années, le Grpc abat un travail remarquable de sensibilisation qui a permis de faire bouger les lignes», rapporte notre interlocuteur qui se réjouit du climat d’apaisement instauré depuis 2012. «Tout le monde profite de la stabilité, y compris Salif lui-même. S’il se paie aujourd’hui le luxe de se déplacer et de convoquer des réunions publiques, c’est parce qu’il y a une accalmie».
«Nous n’accepterons pas un nouvel embrasement en Casamance»
C’est d’ailleurs pourquoi les populations sont choquées par cette volonté du camp de Salif Sadio de les faire retourner en arrière. «Nous n’accepterons pas un nouvel embrasement en Casamance. Salif et ses hommes doivent comprendre une fois pour toute que la Casamance ne leur appartient pas. Ils doivent écouter le peuple. Et ce que veut le peuple, c’est la paix. Un point c’est tout», avertissent en chœur des jeunes retrouvés à la sortie d’un institut supérieur d’enseignement qui concluent en ces termes : «Il doit déposer les armes pour qu’il discute de façon responsable avec ses enfants que nous sommes et demander pardon».
Mamadou Papo MANE