Depuis la «fermeture» de la forêt à l’exploitation, les artisans de Ziguinchor vivent le calvaire. Aujourd’hui, ces pères de familles plongés dans le désarroi d’un avenir incertain font les yeux doux au gouvernement pour sortir de l’ornière une profession devenue carcérale.
(Correspondance) – «Nous félicitons le président Macky Sall pour sa réélection pour un deuxième mandat et nous lui demandons de maintenir Mahammed Boun Abdallah Dionne à la tête du gouvernement». On aurait pensé qu’il s’agit là d’un clin d’œil de politiciens dans la perspective de la formation du prochain gouvernement, mais cette déclaration est la traduction du désarroi de centaines d’hommes qui assistent impuissants à l’assombrissement de leur avenir. Aujourd’hui donc, le seul espoir des artisans de Ziguinchor réside dans la générosité du chef de l’Etat pour sauver le destin tragique d’un corps de métier désormais hanté par les atroces images de Boffa Bayotte et qui envisageait pourtant l’avenir avec beaucoup de sérénité jusqu’à une période récente. Car, malgré les difficultés de la vie dans une Casamance en crise, les artisans du sud se frottaient les mains. Pendant des décennies en effet, ils ont profité du développement d’une économie de guerre articulée autour de la coupe abusive de bois. Ils sont devenus, peut-être sans le vouloir, les complices et les principaux bénéficiaires de la tragédie qui se jouait dans la forêt casamançaise. Mais, ce statut, ils le perdront au lendemain du drame de Boffa Bayotte. La mort de treize forestiers massacrés dans cette localité située à une dizaine de kilomètres au sud de Ziguinchor impose à l’Etat une réaction rapide. Laquelle se traduit entre autres par l’interdiction de toute activité de coupe de bois dans cette partie sud du Sénégal. Avec cette mesure, le sol se dérobe sous les pieds des artisans qui voient rouge. Les difficultés s’accumulent pour eux à cause de la rareté des intrants. La quête de bois devient pour ces pères de familles une œuvre titanesque. Ce qui pousse certains à se reconvertir pour continuer à «vivre». «Certains de nos collègues sont devenus des conducteurs de moto Jakarta. Ceux qui sont restés dans le métier peinent à nourrir leurs familles et à assurer la scolarité de leurs enfants», rapporte avec peine Ibrahima Sène, menuisier à Colobane à Ziguinchor.
Depuis lors, les professionnels du bois tentent de s’organiser pour amortir le choc. Ils profitent de la visite économique du chef de l’Etat en Casamance pour demander une audience. Au cours de cette rencontre, les artisans exposent leurs difficultés et affichent leur crainte quant au destin de tous ces gens qui ne comptent que sur le bois pour continuer à exister. De cette entrevue sortiront des propositions comme la mise en place de centrales d’achat dans les différentes communes de la région, alimentées en bois importés. Aussi, le président de la République s’est engagé à octroyer aux professionnels du bois 1 600 troncs d’arbre et plus de 800 madriers saisis par les services des Eaux et forêts dans leur traque contre les trafiquants. Ces mesures visant à relancer le secteur connaissent déjà un début d’application grâce à la somme de 10 millions offerte par le chef de l’Etat, à en croire le président du cadre de concertation des artisans et agriculteurs de la région de Ziguinchor. «Des projets sont en train d’être financés et des formations offertes à nos membres», se réjouit Ousmane. Seulement, la reprise reste encore timide. C’est pourquoi les professionnels du bois qui étaient en conclave hier au centre artisanal de Ziguinchor, s’agrippent sur le chef de l’Etat pour redonner un nouveau souffle au secteur. Ce qui pourrait passer par une meilleure redynamisation de la mutuelle des artisans qui peine toujours à jouer son rôle d’accompagnement des initiatives des artisans, faute de moyens.
Mamadou Papo MANE