Le Président réélu n’aime pas les hausses, c’est connu. Il a toujours œuvré pour que son gouvernement protège les couches sociales défavorisées. Mais, puisque c’est l’économie qui nourrit le social, le Fmi et la Banque mondiale l’ont dans le collimateur. Car, avec les difficultés financières qui s’accumulent, Macky Sall est désormais dos au mur. Il est obligé de procéder à des réformes incontournables dans l’énergie, la masse salariale exponentiel ou encore l’environnement des affaires pour que les entreprises puissent travailler dans un environnement favorable à l’embauche. Sans quoi, ces bailleurs risquent de fermer le robinet.
En pleine période de réjouissance du second bail à la tête du pays, la nouvelle du serrage de ceinture et de restrictions réclamée par les bailleurs de fonds de l’Etat du Sénégal risque de gâcher l’ambiance de la fête. En effet, selon des sources auprès de ces institutions de Brettons Woods, le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale sont extrêmement soucieux de l’après élection. Surtout qu’en moins de trois mois, le gouvernement a déjà exécuté le budget à hauteur de 27 %. Et selon ces sources, elles s’accordent certes à dire que «le chef de l’Etat sénégalais a été bien élu». Mais pour autant, elles estiment que le Sénégal va connaître trois mois difficiles. Car, nous souffle-t-on, la situation financière du pays, qui n’a pas pu honorer à temps la facture de 60 milliards de francs Cfa de l’avion de la compagnie nationale Air Sénégal Sa, est inquiétante. Surtout en ce qui concerne un certain nombre de postes comme la masse salariale, les agences de l’Etat et les financements de la compagnie aérienne et du Train express régional (Ter) qui ont siphonné les comptes publics.
Si ces bailleurs sont surtout braqués contre le Sénégal, c’est en grande partie à cause des recettes fiscales en berne, avec des moins values énormes et un gap qui se creuse de plus en plus. Suffisant pour que les bailleurs de fonds du Sénégal et le Fmi qui le conseille sur ses politiques économiques mettent des pressions terribles pour obtenir les têtes des régies financières. Mais, confie une source digne de foi au sein de ces institutions, c’est l’argentier de l’Etat, Amadou Bâ, qui a freiné des quatre fers depuis Washington où leurs représentants avaient failli les réclamer publiquement à Macky. Mais ce n’était que partie remise. Car, la sensibilité de la situation politique dépassée, les bailleurs reviennent à la charge. Et s’ils n’obtiennent pas gain de cause, il est fort à craindre que le Sénégal ne puisse accéder à ces nombreux milliards qui lui ont été promis par Eurobond ou au Groupe consultatif de Paris de décembre dernier où ils ont fait des choses inédites pour un pays qui va en élection. Ce qui a beaucoup fait jaser dans la sous-région.
90 milliards par mois aux fonctionnaires
L’un des enjeux majeurs du contrôle des finances publiques réside dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement, notamment de personnel. Car, le régime de Macky Sall a fait flamber gaiement la masse salariale. Sur le budget de 4 071 milliards de l’exercice 2019, nos valeureux 200 mille fonctionnaires se voient ingurgiter plus du quart de cette richesse nationale, soit près de 90 milliards par mois. Au total, la masse salariale va engloutir plus de mille milliards de francs Cfa. Ce qui constitue 40 % des recettes fiscales du pays. Un dérapage budgétaire qui propulse le pays au dessus des critères de convergences de l’Uemoa qui sont de 35 %. Et si on en est arrivé à ce stade c’est parce que Macky Sall n’a pas lésiné sur les moyens pour servir tout le monde. Une cuillère aux enseignants, une autre aux agents du secteur de la santé…et les calculettes commencent à fumer. Cela, sans compter les bourses d’étudiants qui ont atteint presque 70 milliards de francs Cfa, selon les chiffres fournis par les Finances lors du vote de la loi de finances de cette année.
Ainsi, l’Etat est obligé de raboter dans les dépenses pour tenir et maîtriser ces charges à côté du très coûteux service de la dette.
Pis, s’il a déjà rationnalisé certains démembrements en procédant à la dissolution de plusieurs agences, le gouvernement est encore obligé de tailler dans ces services dont certains font quasiment le même boulot.
D’un autre côté, les bailleurs veulent inciter le gouvernement à des réformes favorables à l’épanouissement de l’entreprise. Car, l’Etat a imposé de nouvelles taxes sur les mines, la boisson en plein exercice alors que les entreprises avaient tout planifié. Cela, à côté de la taxe sur l’électricité imposée pour financer l’éclairage publique et la promotion de la spéculation sur l’investissement. Un cocktail explosif qui a fini par mettre par terre de nombreuses entreprises.
Cette dérive budgétaire traduit également un échec de la politique de maîtrise des dépenses publiques initiée par le gouvernement qui se fait taper sur les doigts par les institutions de Bretton Wood’s sur les nombreuses subventions à l’électricité ou la générosité de 30 milliards de francs Cfa de la Délégation à l’entrepreneuriat rapide (Der).
Fort conscient de cette situation difficile et difficultés qui se profilent à l’horizon, les Finances commenceraient à cogiter sur des moyens de renflouer les caisses. Dans ce cadre, souffle un haut fonctionnaire chez les bailleurs de fonds, le ministère des Finances a convoqué la semaine dernière un séminaire pour désamorcer la bombe.
Seyni DIOP