Inaugurée en grande pompe, en juillet 2018, l’Arène nationale fait réfléchir les promoteurs de lutte à deux fois avant d’y organiser des combats. Sa capacité d’accueil et le coût du cahier de charges posent de sérieux soucis aux organisateurs.
Lors de la réception des clefs de l’Arène nationale des mains du président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, le 22 juillet 2018, le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, avait exprimé sa fierté de ce «bijou architectural emblématique de l’étroitesse et l’exemplarité de la coopération sino-sénégalaise et qui constitue une référence, par sa spécificité, en Afrique et dans le monde».
L’inauguration de cette Arène nationale avait été perçue comme un ouf de soulagement pour le monde sportif, principalement celui de la lutte. Les acteurs du «sport de chez nous» allaient, enfin, avoir leur propre antre et les footeux se réjouissaient de ne plus passer au second plan quant à l’utilisation du stade Demba Diop de Dakar, où le ballon rond cédait souvent la place à la lutte. Le public du handball croyait aussi pouvoir disposer de son stadium Iba Mar Diop à n’importe quel moment.
Mais la réalité des faits a démontré qu’on est loin de cet idéal au Sénégal. Le combat entre Modou Lô et Balla Gaye 2, du dimanche 13 janvier, au stade Léopold Sédar Senghor, a fait décaler un match de football. Le Jaraaf avait été contraint de recevoir la Renaissance sportive de Berkane, le lendemain. C’était pourtant une rencontre internationale, notamment un duel de cadrage de la Coupe de la Confédération africaine de football (Caf). Hélas !
La raison principale justifiant la tenue de ce combat à Léopold Sédar Senghor, est que l’Arène nationale serait trop étroite pour abriter un choc de ce genre. Les organisateurs et autorités ont évoqué une question de sécurité des amateurs de deux lutteurs les plus populaires (ou presque) du pays. Léopold Sédar Senghor a une capacité de 60 mille places alors que l’Arène nationale ne peut accueillir que 22 mille personnes.
La polémique continue donc. Après celle relative à son coût de réalisation (tantôt c’est un don de la République populaire de Chine, tantôt c’est un financement conjoint), celle de l’utilisation et de l’accessibilité fait débat. Il est rare de voir les promoteurs y tenir leurs événements. «Il n’y a aucun problème, c’est due à l’élection présidentielle. Il y a d’ailleurs deux événements prévus pour le 10 et le 30 mars. Moi, je vais y tenir Boy Baol contre Marley en juin ou juillet», fait savoir le promoteur Assane Ndiaye. «On y a prévu quelques affiches pour cette saison», dit Max Mbergane, coordonnateur de Lewto Production.
Max Mbargane s’en offusque…
Une situation qui préoccupe les acteurs. Et à juste raison, parce que depuis le début de la saison, la lutte sénégalaise fonctionne en dents-de-scie. Ancienne gloire de l’arène sénégalaise et chroniqueur à Sen Tv, Max Mbergane s’en offusque et ne croit pas à cette idée que le joyau ne peut abriter un grand choc de l’arène. «Ce n’est pas un gâchis de construire une infrastructure de cette envergure. J’attends de voir pour avoir la confirmation. A mon humble avis, on peut bel et bien tenir de grands combats à l’arène nationale», soutient-il.
Le fondateur de l’écurie Lansar donne comme preuve les récentes journées de lutte tenues dans cet antre. «Lors des premières joutes, on avait du mal à remplir la première poche coloriée en rouge. Un autre jour, on avait réussi à remplir seulement la poche rouge mais pas les premières en même temps. Il n’y avait que quelques spectateurs sur la poche jaune. Donc, on n’a pas encore réussi à atteindre la poche verte», informe-t-il.
En attendant ces sorties, l’Arène nationale fait fuir. La raison : les frais d’organisation sont coûteux. Il faut débourser un million de francs Cfa (500 mille pour la location et 500 pour le service d’ordre) pour la location. «Pour certains promoteurs, c’est inaccessible», clame le patron de Baol Production, Assane Ndiaye. Ce fait avait créé un malentendu entre promoteurs et autorités. Les organisateurs de combats avaient même pensé boycotter l’Arène, mais les deux parties ont trouvé un accord. Il est désormais permis à un promoteur d’avoir une date à l’Arène et une autre à Iba Mar Diop. Là-bas, les frais sont moindres mais loin d’être un cadeau toutefois. La location du stadium coûte 100 mille, autant pour le service d’ordre, sans compter les bâches (60 000), le sable (80 000), les barrières (25 000), la sonorisation (50 mille), les chaises (30 000) et une certaine de main d’œuvre (25 000). Cet arrangement va permettre à M. Ndiaye d’organiser le combat entre Mame Balla de Pikine Mbolo et Tapha Mbeur de Parcelles, à Iba Mar Diop.
…Un coût d’organisation trop cher ?
En termes de comparaison, le frère d’Aziz Ndiaye soutient que l’Arène nationale est meilleure que tous. «Pour la lutte pure, en termes de conditions d’expression et d’organisation, l’Arène offre ce qu’aucun autre stade n’offre», dit-il. Les promoteurs souhaitent que les coûts d’organisation dans ce joyau de Pikine soient revus à la baisse, le temps que le monde de la lutte prenne complètement ses repères dans cette infrastructure dont la pose de la première pierre a eu lieu le 7 avril 2016. Le patron de Baol Production suggère que cela se situe dans la fourchette 250 à 300 mille francs Cfa.
Que cherchent les autorités étatiques à ces prix-là qui inquiètent les promoteurs de lutte quant au respect du cahier de charges ? Pourtant, le directeur des infrastructures au ministère des Sports avait tenu à rassurer. «L’objectif n’est pas de chercher des bénéfices mais d’assurer, avec les dividendes de l’Arène nationale, la promotion des autres formes de lutte en accord avec le Comité national de gestion de la lutte», avait laissé entendre Cheikh Sarr. A la réalité des faits, les directives ne suivent toujours pas encore.