Contre toute attente, la grande coalition Benno Bokk Yaakaar qui porte la candidature de Macky Sall a largement perdu devant Ousmane Sonko à Ziguinchor. Une débâcle, conséquence d’un certain nombre de facteurs endogènes et exogènes.
(Correspondance) – Qu’est-ce qui s’est passé ? Les leaders de Benno Bokk Yaakaar à Ziguinchor se sont certainement posé cette question au réveil, avant-hier. Un réveil brutal pour des responsables qui n’ont certainement pas vu venir la…déroute. Et pourtant, les ingrédients d’une chute étaient bien en place. En réalité, les populations de cette région sud du Sénégal n’ont pas été indifférentes au vote affectif qui se dessinait sur l’ensemble du territoire national. A Ziguinchor, la perspective d’un vote socio-culturel était perceptible. A travers la candidature d’Ousmane Sonko, les «sudistes» voyaient là l’occasion de prendre leur revanche sur l’histoire. «Depuis l’indépendance du Sénégal, aucun Casamançais n’a occupé la plus haute fonction dans ce pays». Ce discours était devenu un disque rayé dans la mémoire collective des populations du sud qui ont l’impression de ne pas exister, politiquement en tout cas. Comment ne pas saisir l’opportunité de l’aura médiatique d’Ousmane Sonko pour vaincre le signe indien et arrêter du coup cette malédiction historique ?
Le comportement des leaders de Benno a aussi favorisé cette «Sonkomania». Pendant toute la campagne électorale, ces derniers se sont illustrés dans ce qu’ils savent faire le mieux : se crêper le chignon. Ils n’ont jamais été ensemble et chacun travaillait dans la perspective des élections locales, mettant de côté l’essentiel : la mobilisation autour de la candidature de Macky Sall. L’arrivée de Baldé n’a fait qu’exacerber les tensions. La grande coalition ne parvient pas à gérer les égos, parfois, surdimensionnés. La plupart des leaders se rangent derrière Abdoulaye Baldé, perçu à tort ou à raison comme le futur faiseur de roi. Le pauvre Benoit Sambou, pourtant patron de l’Apr dans le département de Ziguinchor se retrouve isolé, snobé par ses propres camarades de parti qui lui ont préféré le président de l’Ucs. Aujourd’hui, le faible score de Benno dans la capitale du sud incite à s’interroger sur l’apport réel de Baldé dans cette élection.
Et pour ne pas arranger les choses, la sortie inopportune, impertinente et dangereuse de Moustapha Cissé Lô a fouetté la fibre régionaliste des ziguinchorois qui se sont sentis vexés, touchés dans leur dignité par des propos désobligeants d’un homme «d’Etat» qui assimile les Casamançais à des rebelles. Une maladresse qui a certainement profité au candidat Sonko. Lequel a par ailleurs été un «réceptacle» pour les mécontents de l’Ucs, dépités par le renoncement de Baldé à sa candidature en pleine opération de parrainage.
Mamadou Papo MANE