CONTRIBUTION
Ceux qui disaient que «Macky Sall préfère la mort que de perdre le scrutin de 2019, il l’a même avoué publiquement, en disant que c’est plus facile de mourir que d’obtenir un second mandat», n’avaient pas tout à fait tort car, à mesure que la campagne électorale avance, le candidat sortant montre que rien ni personne ne peut le dévier de son ambition de rempiler. Les blessés peuvent se compter par centaines, il n’en a cure. Les gens peuvent mourir comme des mouches, peu lui en chaut. Le pays peut être mis à feu et à sang, il s’en fiche. Pourvu qu’il arrive à assouvir son dessein auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux.
Partout dans le monde, quand survient une catastrophe qui, plus est, occasionne des pertes en vies humaines, s’il se trouve que le chef de l’Etat du pays en question est à l’étranger au moment des faits, ce dernier écourte son voyage, quelle que soit son importance, pour rentrer dans son pays en vue de partager la douleur de ses concitoyens et leur apporter aide et réconfort. Malheureusement, ce n’est pas le cas du président Macky Sall comme il a eu à le démontrer en 2013 avec la longue pénurie d’eau qui avait frappé Dakar et plusieurs localités du pays. Un septembre 2013 de triste mémoire. En effet, pendant plusieurs semaines, les Sénégalais, atteints dans leur dignité humaine et le gosier sec, ont vécu le martyre en arpentant à longueur de journée les artères de leur localité, bassines, seaux et bidons en bandoulière, à la recherche d’hypothétiques points d’eau pour étancher leur soif et satisfaire d’autres besoins naturels et vitaux. Alors qu’on était en 2013, on se croirait de retour à l’âge des cavernes dès lors que le simple et si banal accès à l’eau potable – un des droits fondamentaux de l’Homme -ui posait problème dans la capitale sénégalaise. Les bagarres autour des camions citernes qui ravitaillaient les populations sinistrées en eau dans les quartiers de Dakar et de ses environs, étaient même monnaie courante.
Maintenant, c’est au plus fort de la «crise de l’eau» que le président Macky Sall avait choisi pour se rendre à New York pour prendre part à la 68ème Assemblée générale des Nations-Unies. En temps normal, personne n’aurait trouvé à redire. Mais, que le chef de l’Etat juge que son voyage à l’Onu avait plus d’importance que sa présence au pays pour prendre en mains ce problème qui était sans précédent dans toute l’histoire du Sénégal, avait laissé les Sénégalais interdits. De là à accuser le président Macky Sall de «délit de non-assistance à peuple en danger… de soif», il n’y a qu’un pas que des Sénégalais avaient franchi allègrement. C’est indubitablement dans les moments d’incertitude aussi profonde que les populations ont plus besoin de la présence rassurante, de la sollicitude et de la solidarité agissante de l’Etat pour faire face à leurs problèmes avec confiance et détermination. Ajoutant à leur amertume, les Sénégalais avaient appris qu’au moment où ils ne savaient plus à quel mirage se vouer, le Sénégal était un corps sans tête car, pendant que le président de la République (Macky Sall) était à New York, la deuxième personnalité de l’Etat, en l’occurrence, le président de l’Assemblée nationale (Moustapha Niasse), lui aussi plus irresponsable que son patron, était à Bruxelles. C’est à se demander si nos gouvernants prennent la pleine mesure de leurs responsabilités avec ces voyages concomitants au moment où le pays brûle. En dépit du sentiment d’abandon au plus haut sommet de l’Etat qui les avait habités, mais aussi désabusés par les mensonges effrontés qui leur sont servis au quotidien, les Sénégalais avaient eu pourtant une pensée pour leur «déserteur» de président de la République, guettant impatiemment son retour au bercail, en messie, pour prendre à bras le corps le problème. Mais, les premières réactions depuis New York du président Macky Sall n’étaient pas à la hauteur des attentes des Sénégalais. Insensible et ignorant superbement le calvaire de ses concitoyens, le président Macky Sall s’est contenté de pinailler sur des vétilles à l’endroit de ses adversaires du Pds, les mettant en garde de «réveiller l’eau qui dort».
Pendant ce temps, le Premier ministre d’alors, Mimi Touré, qui nous bassinait tout le temps avec sa rengaine «accélérer la cadence», a eu un retard à l’allumage en ne décidant de se rendre à Keur Momar Sarr qu’au…11ème jour après la survenue du drame. Pour sa part, dès qu’il a été informé, depuis New York, des mouvements d’humeur, au Sénégal, des populations assoiffées et crasseuses, qui avaient trouvé un exutoire de leur colère dans l’autodafé de quelques pneus et le barrage de routes, le président Macky Sall, qui avait fait encore dans la menace, n’avait rien trouvé de mieux à dire que d’afficher le mépris envers ces dernières en ces termes : «Si les gens pensent qu’en brûlant des pneus ils peuvent ébranler l’Etat, ils se trompent (…) Ceux qui veulent envenimer la situation à travers les radios ou Internet ne connaissent pas l’Etat. L’Etat est plus puissant que cela».
Cette marque d’indifférence du chef de l’Etat
Cette déclaration maladroite, mal à propos et mal placée, avait atteint dans leur chair les populations sénégalaises déjà très mal en point. Cette marque d’indifférence du chef de l’Etat est un signe de manque de maîtrise des réalités. Si le président Macky Sall peut se montrer aussi désinvolte, détaché et hautain devant la douleur et les souffrances des Sénégalais dont il fait peu de cas, c’est qu’il n’avait pas bien mesuré l’ampleur et la gravité de la situation. Passe encore qu’on privât les Sénégalais du liquide précieux pendant plusieurs semaines, ponctuées par des mensonges effrontés et répétés, mais qu’on se permette de les menacer et de leur manquer de respect de surcroît, c’en était trop. Pourtant, à son départ de Dakar, le 15 septembre 2013, le président Macky Sall avait laissé le problème de pénurie d’eau irrésolu, mais en grand irresponsable, il avait maintenu son voyage.
De retour de la 68ème Assemblée générale des Nations-Unies, où il était resté pendant une dizaine de jours alors que les Sénégalais n’avaient pas vu une seule goutte d’eau, depuis plusieurs semaines, pour étancher leur soif, Macky Sall s’était rendu, le vendredi 27 septembre 2013, par hélicoptère, à Keur Momar Sarr, avec une mise en scène hollywoodienne. En effet, Macky Sall, habillé en uniforme militaire, comme un commando engagé dans une opération à haut risque, avait rallié les lieux du «crime», pour engager la bataille de l’eau et faire face «à une pièce défectueuse» à l’origine du calvaire des Dakarois. Un spectacle digne d’une tragédie grecque (quel rapport entre une tenue militaire et un problème technique ?). Dans sa comédie, le président Macky Sall était flanqué du Premier ministre de l’époque, Mimi Touré, déguisée de façon extravagante, comme si elle participait à un carnaval. Tout ce cirque, pour inspecter un tuyau défectueux, à l’origine de la pénurie d’eau dans la capitale, et retourner tout juste après à Dakar, constitue un marqueur et symbolise à suffisance la gouvernance-spectacle de Macky Sall.
Nous rappelons que ces évènements remontent à 2013, c’est-à-dire il y a six années. Pendant tout ce temps, Macky Sall n’a pas changé. Il est resté droit dans ses bottes. On prend les mêmes et on recommence. 2013-2019, six ans après ces évènements de triste mémoire, celui qui était monté en première ligne, en treillis de militaire prêt au combat, tel un matamore, est toujours incapable d’assurer l’approvisionnement correct en eau du pays, privant des millions de Sénégalais du précieux liquide, et ramenant le Sénégal à l’ère de la préhistoire. Cette marque d’indifférence de Macky Sall à l’égard des souffrances de son peuple, contraste avec l’empathie et la sensibilité de ses adversaires de la présidentielle de 2019.
Déjà, le samedi 6 janvier 2018, 14 bûcherons partis chercher du bois dans la forêt de Boffa Bayotte, en Casamance, ont été sauvagement tués par des assaillants. Une tragédie nationale qui a laissé indifférent le président Macky Sall qui n’a pas jugé utile de se rendre sur les lieux, ne serait- ce que pour réconforter les familles endeuillées. Pourtant, le samedi 10 janvier 2015, à peine terminée la cérémonie de pose de la première pierre de l’autoroute «Ilaa Touba», en compagnie du vénéré feu Cheikh Sidy Makhtar Mbacké (Rip), alors khalife général des mourides, une cérémonie que le président Macky Sall a pratiquement bâclée, ce dernier s’est empressé de s’envoler, direction Paris, à bord du coucou présidentiel, brûlant ainsi le kérosène national, afin de répondre à la «convocation» de son homologue français. C’est ainsi que Macky Sall a pu participer, le dimanche 11 janvier 2015, aux côtés du président François Hollande, à une marche de soutien à Charlie-Hebdo, ce journal spécialisé dans les caricatures et le blasphème, notamment contre le Prophète Mohamed (Psl).
Le visage hideux de Macky Sall
La campagne électorale en cours n’a fait que confirmer ce visage hideux d’un Macky Sall insensible aux évènements malheureux dans son voisinage immédiat, contrairement aux autres candidats de l’opposition. En effet, le mardi 5 février 2019, après un accident de véhicule sur la route de Fatick, avec trois personnes grièvement blessées et la mort du chauffeur du Pr Coumba Ndoffène Ndiaye, grand responsable de la coalition Madické2019, lui-même dans un état critique, Me Madické Niang a suspendu sa campagne pour se rendre au chevet des rescapés et aller présenter ses condoléances aux familles éplorées.
Le lundi 11 février 2019, à la suite d’un accrochage entre la caravane du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) et des militants de Benno Bokk Yaakaar (Bby), il y a eu deux morts, plusieurs blessés et quatre véhicules calcinés. Les éléments préposés à la sécurité du Pr Issa Sall ont été désarmés, dévêtus par la gendarmerie nationale et mis aux arrêts. Le candidat Issa Sall, très affecté par ces incidents, a suspendu sa campagne pour retourner à Dakar.
Dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 février 2019, un des bus transportant des militants de Pastef s’est renversé, vers 3 heures du matin, à hauteur du village de Kawaone dans le Bignona, dans l’arrondissement de Kataba, occasionnant 17 blessés, dont 7 dans un état critique. Finalement, l’un des blessés, dans le coma après l’accident, a rendu l’âme. Une nouvelle qui a poussé Ousmane Sonko à suspendre son programme qui devait l’emmener dans les départements de Kolda, Sédhiou et Médina Yorofoulah. A la place, le candidat de «Sonkoprésident» n’a rallié que la région de Kolda en signe de solidarité.
Des attitudes très éloignées de celle du candidat Macky Sall qui, sans aucun scrupule, continue de dérouler son agenda, quels que soient les évènements fâcheux qui surviennent sur son parcours. Le dimanche 10 février 2019, quatre gendarmes ont été tués et 10 autres blessés, dans l’accident survenu à hauteur du village de Bougnadou, dans la région de Sédhiou, sur l’axe Kolda-Sédhiou. Les victimes étaient à bord d’un pick-up de la gendarmerie devant ouvrir la route pour le convoi présidentiel en provenance de Kolda. Selon des témoins, la voiture qui voulait éviter un camion frigorifique, a fini dans le décor en faisant plusieurs tonneaux. Pour ne pas porter sur sa conscience ces pertes en vies humaines dans les rangs des forces de défense et de sécurité, Macky Sall, qui a poursuivi sa campagne, a fait la déclaration suivante à l’étape de Bignona, dans le second meeting qu’il a tenu au cours de cette journée, après l’étape de Sédhiou : «Cet après-midi, après mon passage, on m’a annoncé un accident derrière nous. (…) Malheureusement, un véhicule de gendarmes a fait un accident très très difficile où nous avons décompté quatre gendarmes décédés. Mais je vous rassure, ce n’est pas le cortège du président de la République qui était en jeu».
Bon sang ! Qu’est-ce qu’il peut être maladroit dans ses discours ! Tout le monde sait que le véhicule des gendarmes voulait rattraper le convoi de Macky Sall qui l’avait devancé sur le chemin de Sédhiou ; raison pour laquelle il roulait à très grande vitesse au point de faire cet accident. C’est donc cynique de jouer avec les mots pour se dédouaner alors qu’il s’agit de pertes cruelles de vies humaines. Voilà des gendarmes, des hommes de devoir, qui agissent sous des ordres et qui sont morts, en service commandé, pour un Macky Sall qui n’en vaut pas la peine car, au lieu de s’incliner devant leur mémoire, voire de suspendre sa campagne, pour marquer le coup et les esprits, et au passage leur rendre un hommage mérité en tant que chef suprême des armées, corps auquel appartiennent les gendarmes, il a préféré tirer la couverture lâchement vers lui et s’en tirer à bon compte. Pendant ce temps, les familles et proches des victimes restent inconsolables. C’est dire qu’en matière de cynisme pur, Macky n’a rien à envier à son homonyme Machiavel. Le second mandat vaut toutes les vacheries.
Pape SAMB