D’habitude, les campagnes électorales constituent les moments où les griots enregistrent des pics de revenus. Ce n’est pas le cas cette année où ils se plaignent de l’avarice des politiques mais, également, de la concurrence déloyale des musiciens modernes.
Les griots connus à cause de leur célébrité légendaire dans le Fouta ont-ils été snobés par les hommes politiques actuels durant cette campagne présidentielle ? La question mérite d’être posée. Car, à la place de ces vrais acteurs culturels, les politiciens ont misé sur des véhicules bourrés de baffles. Lesquels diffusent à tout moment de la musique moderne tout en faisant la publicité du candidat et de son événement. Une mission traditionnellement dévolue aux maîtres de la parole. Face à cette modernisation qui ne fait pas leur affaire, les griots ne se privent pas de s’attaquer au comportement de certains candidats.
Le constat est le même dans les différentes manifestations qui se tiennent dans les différents quartiers. Mais aussi au niveau de certaines communes telles que Podor, Ndioum, Fanaye, Galoya, etc. Dans ces manifestations, la présence des griots et autres communicateurs traditionnels se fait de plus en plus rare. Ce qui fera dire au musicien de renommée, Ousmane Hamady Diop, que l’art traditionnel a fini de subir la puissance de la technologie. Le virtuose du fantang, Samba Ciré Gorel, griot traditionnel et professionnel dans l’art avoue n’avoir été contacté par personne pour animer un quelconque rassemblement politique.
Cela, malgré son professionnalisme dans ce domaine. «Si la campagne électorale est un fonds de commerce, c’est la période des vaches maigres pour ces griots», dénonce Yéro Ngoulah, griot traditionnel habitant du village de Kogga dans la commune de Dodel. Selon lui, les leaders politiques sont plutôt intéressés par la musique des jeunes talents. Pourtant, regrette-t-il, ces jeunes ne connaissent nullement l’importance de l’art. D’après lui, ils ne font que crier, chanter et danser sans aucune leçon de vie pour les populations qui les écoutent. Les acteurs culturels de renommée, jadis choyés par les anciens hommes politiques et chefs traditionnels, se disent déçus. Par ailleurs, ils ne cachent pas leurs inquiétudes face aux discours des candidats. Parce que, expliquent-ils, aucun de ces prétendants au fauteuil présidentiel n’a décliné une politique culturelle. Selon Ngari Ngawlé, griot traditionnel, ses confrères et lui sont les grands oubliés de cette campagne présidentielle qui en est à sa sixième journée. Très dépités par ce manque de considérations des candidats, ils exigent un minimum de respect. Ils n’ont pas manqué de dénoncer l’inaction du ministre en charge de la Culture. Ils assurent que ce dernier ne fait rien pour les griots de la localité.
Abou KANE